Markus, Thomas et Martin, une histoire de Fuchs!

Avec Martin, revenu en septembre 2018 des Jeux équestres mondiaux de Tryon avec une belle médaille d’argent individuelle puis avec la médaille d'or individuelle aux Européens de Rotterdam l'année suivante, la famille Fuchs continue d’écrire l’histoire des sports équestres. Un temps représentée par les deux frères Thomas et Markus, la dynastie suisse n’est pas prête de tomber dans l’oubli.



© DR

S i l’histoire du saut d’obstacles helvétique ne peut se résumer à la famille Fuchs, celle-ci en a néanmoins écrit de nombreuses lignes. Originaires d’Uster puis établis à Bietenholz, dans le canton de Zurich, Josefine et Matthias Fuchs, les fondateurs de la dynastie, sont des agriculteurs modestes. Père d’une fratrie de quatre enfants, Matthias, cavalier amateur et marchand de chevaux à ses heures perdues, décide d’aller plus loin en créant une écurie de propriétaires. C’est ainsi que ses deux fils Markus et Thomas, imités plus tard par leurs deux sœurs Heidi et Andréa, mettent le pied à l’étrier. 

THOMAS, LE PIONNIER. 

Premier des deux frères à avoir atteint le haut niveau, Thomas Fuchs, né le 10 novembre 1957, est tout ce qu’il y a de plus sympathique. Grand, élancé et souriant, il a vécu une fabuleuse carrière internationale. Willora Carpets, une généreuse jument irlandaise, l’a propulsé sur le devant de la scène. À ses côtés, il dispute ses tout premiers championnats Seniors, à vingt-trois ans seulement, à l’occasion des Européens de Munich, en 1981. Sacrée entrée en matière, puisqu’il décroche une belle médaille d’argent par équipes aux côtés de Walter Gabathuler, Bruno Candrian et l’illustre Willi Melliger. L’année suivante à Göteborg, le couple termine septième de la finale de la Coupe du monde, avant d’être sélectionné pour les championnats du monde de Dublin. Sa dernière victoire marquante restera le mythique Derby de La Baule, en 1983. La même année, Thomas accueille sous sa selle Willora Swiss, avec laquelle il remporte sa première médaille d’or, décrochant le titre par équipes et une neuvième place individuelle aux Européens de Hickstead.

Sa plus inoubliable monture ne tarde pas à arriver: née chez Heinz Berthold Wollmers, Dollar Girl(ex-Dunja) est une grande, athlétique et longue jument bai foncé, plutôt moderne pour l’époque mais terriblement délicate. À seulement huit ans, elle permet à Thomas de disputer ses premiers Jeux olympiques, en 1988 à Séoul, qu’il achève à une honorable septième place. La paire récolte notamment une médaille de bronze par équipes aux championnats d’Europe de Rotterdam en 1989, une septième place aux premiers Jeux équestres mondiaux, en 1990 à Stockholm, puis à nouveau le bronze par équipes aux Européens de La Baule en 1991. Malheureusement, leurs routes se séparent l’année suivante à la suite d’un conflit avec le propriétaire, et la championne rejoint les écuries de Nick Skelton, avec lequel elle remportera une finale de Coupe du monde, en 1995 à Göteborg. Elle s’éteindra à vingt-neuf ans au haras La Silla, au Mexique. Après Dollar Girl, l’Helvète s’illustre sur Dylano puis Major (ex-Gandhi). Avec ce dernier, il dispute ses derniers championnats (continentaux) en 1995 à Saint-Gall, avant de tirer sa révérence sportive au début des années 2000. “J’étais lassé de certaines pratiques. Le système des grosses écuries commençait à prendre le dessus”, confie-t-il. “J’ai décidé de laisser tomber la compétition pour me consacrer au commerce. J’ai repris des pensionnaires aux écuries et Renata (son épouse, ndlr) m’a fait découvrir le monde des trotteurs.” Fatigué de sa vie de compétiteur mais jamais des chevaux, le multi-médaillé sera plus tard promu entraîneur de l’équipe suisse puis du meilleur ami de son fils, Steve Guerdat.



MARKUS, L’AÎNÉ DANS LA LIGNÉE DU CADET

© DR

Presque aussi talentueux que son frère cadet, Markus Fuchs a mis un peu plus de temps à se faire une place à haut niveau. Né le 23 juin 1955 à Inwill, il commence fort en étant sacré champion d’Europe Juniors aux rênes de Famos, en 1970 à Saint-Moritz. Il poursuit des études commerciales jusqu’en 1977. L’année suivante, il s’installe dans ses propres écuries à Saint-Joseph, non loin de celles de sa famille. Se consacrant entièrement au sport, il participe à ses premiers championnats d’Europe Seniors en 1987 à Saint-Gall. À domicile, il glane le bronze par équipes aux côtés de Willi Melliger, Walter Gabathuler et Philippe Guerdat, l’actuel sélectionneur de l’équipe de France. En selle sur Shandor, un hongre bai brun né en Allemagne, il prend également part à ses premiers JO l’année suivante à Séoul... avec son frère! Les deux Fuchs se partagent même la septième place individuelle, à égalité avec l’Américain Joe Fargis, l’Allemand Franke Sloothaak, le Britannique Nick Skelton et les Néerlandais Jos Lansink et Jan Tops. Toujours avec Shandor, il participe ensuite aux Européens de Rotterdam et La Baule, puis aux JO de Barcelone en 1992, quelques mois après avoir terminé troisième de la finale de la Coupe du monde à Del Mar. 

Si Goldlights puis le célèbre Adelfos, passé un temps sous la selle du Normand Olivier Guillon avant de se révéler excellent reproducteur, ont tenté de prendre la relève de Shandor, c’est le légendaire Tinka’s Boy (ex-Hooper) qui va amorcer le tournant capital de la carrière de Markus. Toujours un peu dans l’ombre de son jeune frère devenu star, il explose enfin avec ce petit (1,62m!) étalon alezan pétri de talent et doté d’un charisme fou. Très respectueux, il peut tourner dans un mouchoir de poche, comme il le prouve en 1999 lors du mémorable Grand Prix CSI 5* de Monterrey, qu’il remporte haut la main devant Thierry Pomel et Thor des Chaînes. Le couple rafle alors les Grands Prix de Göteborg, Lucerne ou encore Berlin et termine deuxième de la finale de la Coupe du monde de Las Vegas avant de s’envoler pour les JO de Sydney, en 2000. En Australie, il glane l’argent par équipes mais passe à côté de la finale individuelle, dont il sort avec douze points en première manche. Les deux compères se vengent l’année suivante à Göteborg en s’emparant de la finale de la Coupe du monde!

Un triomphe aussi mérité qu’inattendu, le duo s’étant qualifié à la toute dernière minute. Après un paquet de victoires, des JEM à Jerez de la Frontera en passant par les JO d’Athènes, Tinka’s Boy doit mettre un terme à sa carrière sportive fin 2004 en raison d’une lésion tendineuse. “Reprendre la compétition nécessiterait pour lui beaucoup d’efforts, sans compter le risque éventuel d’un nouveau claquage, et il ne mérite pas ça”, déclare alors son pilote. “Tinka’s Boy se consacrera désormais à sa carrière de reproducteur.” Un nouveau rôle qu’il endosse à merveille à en juger par les succès de sa fille Tinka’s Serenade, onzième des JEM de Lexington en 2010 avec l’Irlandais Billy Twomey. Après une dernière Coupe des nations à Saint-Gall avec La Toya III, en juin 2009, Markus, souffrant de maux de dos malgré un lourd traitement ostéopathique, se retire de la compétition. Tout comme son frère, il devient entraîneur, aidant notamment l’équipe d’Italie à remporter l’argent aux Européens de Windsor quelques mois plus tard! Après avoir œuvré au service de la Fédération qatarienne, il épaule aujourd’hui l’Irlandais Peter Moloney et la Finlandaise Anna-Julia Kontio, cavaliers de la Team Harmony, ainsi que les Italiens Piergiorgio Bucci et Luca Maria Moneta ou encore son ancien coéquipier Walter Gabathuler.



MARTIN, UN NEVEU ET FILS EN OR

Sur les cinq enfants de la dernière génération Fuchs, Martin, né le 13 juillet 1992, est le seul à embrasser une carrière de cavalier professionnel. Le fils de Renata et Thomas apparaît sur le circuit international dès 2006. Aux prémices de son itinéraire, il glane pas moins de six breloques individuelles et deux par équipes lors des championnats d’Europe Enfants, Juniors et Jeunes Cavaliers. “Il a déjà plus de médailles que moi!”, plaisante fièrement son père. Évoluant au plus haut niveau depuis 2011, la jeune star ajoute à son palmarès une participation aux JO, en 2016 à Rio, et deux médailles de bronze par équipes gagnées aux championnats d’Europe d’Aix-la-Chapelle en 2015, puis de Göteborg en 2017. Le 23 septembre 2018 à Tryon, aux rênes de son fidèle Clooney 51, il devient vice-champion du monde individuel, enchaînant avec une médaille d'or individuelle aux Européens Longines de Rotterdam l'année suivante. “Je suis très fier de mes deux fils, qui ont une vie classique, loin des chevaux, mais je suis aussi heureux que Martin perpétue l’histoire équestre de notre famille!”, se réjouit son oncle Markus. “C’est un excellent cavalier, doux et fort à la fois. Il est doté d’un sang-froid incroyable, ce qui m’a beaucoup manqué dans ma carrière. C’était l’un de mes grands défauts, parmi tant d’autres!”, conclut-il, dans un rire timide. Talent, persévérance, mais aussi humilité et humour, tels sont les traits de caractère que partagent ces trois grands champions.

Cet article est paru dans le magazine GRANDPRIX heroes n°108.