Offensif et droit dans ses bottes, Serge Lecomte entend bien présider la FFE jusqu’en 2024
À l’occasion d’une réunion organisée hier midi à Paris, en petit comité avec des soutiens de poids, mais aussi en visioconférence avec des responsables des structures équestres franciliennes, Serge Lecomte a confirmé sa volonté farouche de demeurer président de la Fédération française d’équitation jusqu’en 2024. En poste depuis 2004, le septuagénaire s’estime le plus à même de conduire le navire fédéral, qui plus est en temps de crise, jugeant “incompétents” ses adversaires déclarés.
“Après tout le boulot que nous avons fait, je ne vais pas laisser la Fédération à deux apprentis sorciers, ou en tout cas à des gens incompétents.” À un peu plus de deux mois de l’assemblée générale extraordinaire de la Fédération française d’équitation, où seront remis en jeu la présidence et la composition du comité fédéral de l’organisation, comptant vingt-neuf autres membres, Serge Lecomte se veut offensif face à Anne de Sainte Marie et Jacob Legros, ses deux rivaux désignés. Gonflé à bloc, le président en exercice depuis 2004, qui a célébré ses soixante-dix ans le 19 juillet dernier, a décidé de briguer un nouveau mandat d’une olympiade, laquelle s’achèvera par les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. À l’occasion d’une réunion organisée hier midi au centre équestre de la Cartoucherie, tout près de l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP), en plein cœur du bois de Vincennes, il a défendu son bilan et justifié cette candidature, au sujet de laquelle il avait laissé planer un certain suspense. Crise sanitaire oblige, ce rassemblement s’est déroulé en petit comité dans le club-house de la structure parisienne, en présence des présidents du comité régional d’Île-de-France, Emmanuel Feltesse, et de plusieurs comités départementaux de la région, mais aussi en visioconférence avec des représentants de clubs de Paris, des Hauts-de-Seine et de Seine-Saint-Denis. Morceaux choisis parmi un discours de quarante-cinq minutes.
“J’ai eu un peu de peine à annoncer ma candidature. Devant les problèmes auxquels nous devons tous faire face, expliquer qu’il faut voter pour moi me semble presque indécent par rapport à tout le travail que nous allons devoir poursuivre afin d’accompagner les centres équestres en cette période de crise sanitaire. Les difficultés risquent bien de continuer une bonne partie de l’année, si bien que la rentrée prochaine sera cruciale. Comme nous l’avons bien fait en septembre dernier – nous sommes la seule fédération sportive française à avoir gagné des licenciés à la rentrée –, nous devrons à nouveau être en première ligne pour promouvoir nos activités auprès du public. Depuis le début de cette crise, tout cela concentre l’essentiel du travail de la Fédération.”
“Désormais, nous allons aussi devoir relancer la compétition. Même si elle ne concerne pas tous les cavaliers en France, celle-ci représente beaucoup d’efforts de la part de quelque cent cinquante mille licenciés et de leur famille. Les organisateurs sont lourdement pénalisés, de même que ces cavaliers, privés de compétition depuis mars 2020, voire depuis fin 2019. Repartir de l’avant va nous demander un gros travail de stimulation dans toutes nos disciplines et à tous les niveaux. Et par la suite, il faudra continuer à la développer. Certains se disent opposés à la compétition, mais en réalité nous nous inscrivons tous dans un esprit de compétition. Chaque jour, quand on monte sur son cheval, quel que soit son activité, on essaie, d’une manière ou d’une autre, de faire mieux que la veille. La compétition est à l’équitation ce que la recherche est à l’industrie.”
“Depuis que je me suis engagé, je me suis entouré de gens ayant généralement réussi professionnellement et qui se sont investis bénévolement et de longue date pour les autres. Je pense notamment à Emmanuel Feltesse, qui a développé en Île-de-France un modèle de gestion qui doit être pris en considération pour l’avenir de la Fédération, Philippe Audigé (membre du comité fédéral et président du Groupement hippique national, ndlr), Jean-Luc Vernon (membre du comité fédéral et directeur du Club hippique de Meudon), Frédéric Morand (vice-président de la FFE, ndlr) et quelques autres. Tous ceux-là ont les compétences pour me succéder demain. […] En revanche, quand j’entends, de la part des deux autres vraisemblables candidats à la présidence, tant de contre-vérités sur la démocratie, la transparence, la gestion du Parc fédéral de Lamotte-Beuvron ou la formation professionnelle, je me dis qu’ils ont encore un gros travail à accomplir. Expliquer à tout le monde que tout ce qui a été fait c’est bien, mais qu’on fera mieux une fois élu alors qu’on n’a jamais rien fait soi-même, c’est un peu facile. Et je dois dire que cela m’a motivé à repartir pour un tour.”
“Nous devons tendre vers un million de cavaliers”
“Lorsque j’avais été élu la dernière fois (à l’automne 2016, ndlr), j’avais indiqué que si nous obtenions l’organisation des Jeux de 2024 (attribués à Paris en juin 2017, ndlr), je voulais profiter de ce beau travail collectif pour assurer les meilleures retombées possibles à l’équitation. Comme vous le savez, je ne suis pas satisfait que les épreuves équestres se tiennent sur un site où tout devra être construit pour les Jeux et déconstruit aussitôt l’événement fini. N’importe quel endroit dédié au cheval aurait été préférable en termes d’héritage. Bien évidemment, j’ai défendu le site de Lamotte-Beuvron, parce qu’il appartient à la FFE. À ce jour, ils auront lieu à Versailles, et nous devons en tirer le maximum: en gagnant des médailles bien sûr, mais pas seulement. À défaut d’héritage (physique, ndlr), nous allons essayer d’obtenir de larges compensations dans l’autres domaines. C’est essentiel pour notre avenir, dans un contexte de concurrence avec tous les autres sports, qui se battent eux aussi pour gagner des parts de marchés, notamment sur le public enfant.”
“Je me suis toujours battu pour populariser l’équitation. D’aucuns rejettent le mot ‘populaire’ mais un sport n’existe pas s’il n’est pas populaire. Si l’on veut que le cheval s’inscrive dans la société, si l’on veut que l’équitation ait une écoute bienveillante de la part de la population, des élus et de l’ensemble des responsables politiques, si l’on veut une élite forte et performante, et si l’on veut une filière économique puissante, notre base doit être la plus large possible. C’est la missions des clubs, qui doivent donc plus que jamais être au cœur de toute notre politique. […] La FFE n’est pas une fédération de consommateurs, mais de groupements dont l’activité se développe sous l’impulsion de dirigeants qui font vivre l’équitation. […] Nous devons tendre vers un million de cavaliers. Et pour y parvenir, nous devons voir vite et voir loin. C’est ainsi que je résume mon état d’esprit.”
Violences sexuelles : “On ne peut pas accepter cette stigmatisation de l’équitation!”
“La question du taux de TVA appliqué à nos activités est un autre raison de ma candidature. Depuis 1978, et l’imposition de la TVA sur l’équitation, à travers les différents organismes où je me suis engagé, je me suis toujours battu pour essayer d’obtenir ou de conserver un taux réduit. Nous y sommes parvenus en 2005. Depuis la condamnation de la France (en 2012, par la Cour de justice de l’Union européenne, ndlr), qui nous a obligés à revenir à des taux insatisfaisants (certaines activités peuvent être taxées à 5%, mais d’autres le sont à 20%, ndlr), je suis sur la brèche pour continuer à expliquer aux nouveaux élus, année après année, l’importance de cette question. Fin 2021, l’Union européenne doit normalement mettre à l’ordre du jour la réforme de sa directive TVA. Il faudra alors être présents, en connaissance de tout ce contexte, pour pouvoir nous faire entendre.”
“Concernant les sujets de société, il est un, celui des abus sexuels, dont on n’aurait jamais entendu parler si je n’avais pas été président de la Fédération. Vous le savez, l’un de mes moniteurs (Loïc Caudal, alors salarié du Centre équestre de Suresnes, dirigé par Serge Lecomte, ndlr) a été condamné à quinze jours avec sursis (le 16 septembre 2013, pour atteinte sexuelle sur une mineure, avant une seconde condamnation, à un an avec sursis, pour agressions sexuelles sur trois mineures, lire ici et ici, ndlr) pour avoir usé de son autorité dans des rapports sexuels. Je m’insurge un petit peu. D’une part, sans hésitation, la Fédération a accompli un travail extraordinaire en mettant en place une campagne de communication et un système d’écoute animé par des spécialistes pour pourvoir recueillir les témoignages et construire des dossiers de plainte envoyés au ministère des Sports, responsable des suites à apporter à ces affaires, ainsi qu’aux autorités judiciaires car nous ne sommes pas là pour remplacer les tribunaux. Je constate que la Fédération fait son travail mais que cela ne suit pas au niveau du ministère… D’autre part, nous avons affaire à une ministre (déléguée aux Sports, Roxana Maracineanu, ndlr) qui parle sans arrêt des violences sexuelles en citant systématiquement l’équitation, comme si la natation (discipline d’origine de la ministre, ndlr) était indemne de problèmes… En réalité, cela existe dans tous les pans de la société, et en premier lieu dans les familles. On ne peut pas accepter cette stigmatisation de l’équitation!”
Concernant la parité, en fin de réunion, Serge Lecomte s’est engagé à présenter une liste composée de vingt femmes et dix hommes pour le conseil fédéral.