“Nous souhaitons que les gens qui viennent à Deauville puissent profiter de tous les atouts de la région”, Franck Le Mestre
En décembre 2020, Franck Le Mestre est devenu directeur du Pôle international du cheval Longines de Deauville. Dans une période d’incertitude, le Breton a eu un sacré challenge à relever. S’estimant chanceux d'avoir entre ses mains une structure aux atouts indéniables, il tire un bilan plutôt positif des derniers mois, au regard d'une situation sanitaire pour le moins complexe.
Les structures équestres du monde entier ont été fortement impactées par la pandémie de Covid-19. Comment le Pôle international du cheval Longines de Deauville s'est-il accommodé de la situation et où en est aujourd'hui son activité ?
Le contexte est en ce moment compliqué pour tout le monde, mais je préfère voir le verre à moitié plein. J'ai la chance de bénéficier d'une excellente localisation, Deauville étant située à deux heures de Paris, et de travailler dans le monde équestre, qui demeure plutôt privilégié dans le contexte actuel, puisque l'équitation peut se pratiquer en extérieur.
L'école d'équitation a rencontré une activité très importante pendant le mois de décembre, sans doute parce que les gens ont été moins tentés de partir aux sports d'hiver du fait de la fermeture des remontées mécaniques et de la limitation des autres activités sur place, sans compter que l'offre pour partir à l'étranger était également très réduite. Beaucoup de gens ont donc préféré rester en France et se rendre dans leur résidence secondaire, en Normandie notamment. La période de Noël, qui est généralement plutôt bonne pour le Pôle, a été cette année particulièrement dynamique. Les hôtels et les gîtes étaient ouverts bien qu'il n'y avait pas de restauration, et étant donné que beaucoup d'activités de la région étaient à l'arrêt – telles que le cinéma ou le casino - l'équitation s'est présentée comme une activité idéale, à tel point que la fréquentation du Pôle a augmenté de 36% par rapport à l'année dernière sur cette période de vacances.
Depuis, l'activité est toujours dynamique au Pôle. Un certain nombre de personnes qui résident normalement à l'étranger ou à Paris ont fait le choix de rester en Normandie du fait de leurs possibilités de télétravail, et également du fait de la fermeture des écoles dans le cas des belges et des anglais. Ces nouveaux habitants de la région en profitent pour monter au Pôle pendant la semaine, période durant laquelle nous avons généralement peu d'activité. Cet exode urbain a d'ailleurs eu un réel impact sur l'immobilier de la région: on constate qu'il y a beaucoup de demande pour se loger. Là encore, on s’aperçoit que Deauville est une destination extrêmement privilégiée du fait de sa proximité avec Paris, ce qui lui permet d'accueillir des personnes qui ont simplement besoin de faire quelques allers-retours vers la capitale mais qui peuvent sinon se permettre de télétravailler depuis le Pays d'Auge.
Le Pôle a également pu continuer d'organiser des concours pour les professionnels, avec des épreuves d’entraînement pour les jeunes chevaux. Tous les cavaliers de la région ont répondu présents, ayant bien sûr besoin de préparer leurs chevaux en vue de futures échéances.
Bien que la Covid-19 ait pu indirectement encourager l'activité du Pôle sur certaines périodes, les choses n'ont certainement pas été simples. Qu’est-ce qui a été le plus compliqué à gérer ?
Effectivement, malgré le positif que nous retenons, les choses sont loin d'avoir été évidentes. La crise sanitaire a mis à l'arrêt les compétitions aux niveaux Amateurs et Poneys. Nous avons été forcés d'annuler la première étape du prix Cavalassur qui a normalement lieu en février. Ce que nous voyons, c'est que les amateurs sont extrêmement impatients de reprendre. On les voit continuer à s'entrainer mais on sait que c'est très compliqué pour eux de ne pas avoir d'échéance concrète. En septembre dernier, nos championnats de France des Vétérans ont d'ailleurs rencontré un franc succès, ce qui traduit bien ce besoin qu'ont les amateurs de retrouver les terrains de concours.
Les circonstances sont également très difficiles pour nos partenaires commerciaux. Comme personne n'a de visibilité, on perd inévitablement des sponsors, qui sont en plus souvent issus des secteurs de l'hôtellerie et des jeux. Nous travaillons notamment étroitement avec Barrière, qui est notre partenaire privilégié, et dont l'activité a bien sûr été atteinte par la crise.
Les équipes du Pôle ont également dû se démener pour continuer d'assurer le bien-être de la cavalerie de club pendant les confinements. Il a fallu s'occuper des chevaux de club, mais également des chevaux de propriétaires, surtout pendant le premier confinement lors duquel les propriétaires n'étaient pas autorisés à voir leurs chevaux.
Enfin, la difficulté pour nos équipes reste aujourd'hui d'adapter les activités aux mesures sanitaires et en particulier aux couvre-feux. Les cavaliers parisiens, qui représentent une importante partie de notre clientèle, doivent en effet prendre la route du retour à Paris dès 16h le dimanche, pour arriver chez eux avant 18h.
Vous êtes arrivé à la direction du Pôle en décembre dernier. Comment s'est faite votre arrivée à ce poste ?
J'ai toujours été plongé dans le monde des sports équestres, c'est de là que je viens. J'ai auparavant travaillé au Haras du Pin et je connais donc non seulement le sport, mais aussi la Normandie. Quand il y a des chevaux, je suis heureux ! C'est un animal qui me passionne et me fascine. Ce milieu, c'est mon ADN. Alors quand Antoine Sinniger a décidé de quitter le PIC pour se consacrer à d'autres projets, je dois dire que j'avais déjà ce projet dans un coin de ma tête. Le Pôle ouvre un horizon de possibilités pour le cheval de sport à Deauville, et c'est un domaine qui n'était auparavant pas très développé dans la région. Le Pays d'Auge était en effet surtout connu pour les courses et l'élevage, mais le sport y prend aujourd'hui une place grandissante. Nous avons aujourd'hui plus de la moitié de l'équipe de France qui y réside!
Justement, la Normandie rencontre aujourd'hui un franc succès dans le domaine des sports équestres. Au-delà de l'activité des courses, du polo, ou encore de l'élevage qui y sont implantés depuis longtemps, c'est désormais aussi le cas du saut d'obstacles et du dressage, avec un grand nombre de cavaliers professionnels qui s'y installent et de structures qui s'y développent. Comment expliquez-vous cette tendance et quelle est la place du Pôle dans cet environnement ?
En effet, l'activité équestre de la région se résumait traditionnellement par l'élevage à Saint-Lô et les courses dans le Pays d'Auge. On constate depuis dix ans un véritable changement. Les cavaliers professionnels, tels que Pénélope Leprevost par exemple, et les investisseurs se sont progressivement installés dans la région. De très grandes structures équestres ont été construites et je crois qu'il y a eu une forme d'émulation. L'attractivité de la région a aussi beaucoup joué, là encore, le fait d'être près de Paris, mais également de bénéficier d'un aéroport (celui de Deauville St Gatien, ndlr), des ferries, etc, sont de vrais atouts pour les cavaliers de tous niveaux. La Normandie a toujours été une terre de cheval, avec l'élevage et les courses certes, mais aussi avec un art de vivre que l'on ne retrouve nulle part ailleurs. Il y a une grande convivialité pour les cavaliers, on se croise au détour d'une balade à la plage. Bref, c'est un réel lieu d'équitation et de rencontres.
Quel est votre projet et votre vision pour le Pôle International du Cheval ?
Le Pôle s'est construit il y a dix ans sur un certain schéma, et je pense qu'il y a aujourd'hui de nouvelles attentes, notamment pour ce qui est de la compétition, que je souhaite faire encore monter en qualité. L'école d'équitation doit bien sûr également continuer de se développer et conserver son excellent niveau. Le Pôle accueille également des cavaliers de haut niveau et leurs chevaux, sans compter les pensionnaires de l'Académie Delaveau, qui permettent aujourd'hui au Pôle de briller sur les réseaux sociaux mais aussi à la télévision, avec le programme Au Galop!, diffusé sur FranceTv.
Le maire de Deauville, Philippe Augier, m'a fixé une feuille route pour continuer de développer le circuit d'hiver et accroître la qualité des concours, aussi bien au niveau professionnel qu'amateur. Nous souhaitons proposer des opportunités de qualité pour tous. Cela participe également au rayonnement de la région Normandie, nous souhaitons que les gens qui viennent à Deauville puissent profiter de tous les atouts de la région.
Le Pôle a déjà publié un programme d’événements pour les mois à venir. Craignez-vous de peut-être devoir les annuler en cas de situation sanitaire défavorable ?
Je fais de mon mieux pour que tout se passe bien. Je ne veux pas risquer d'annuler les événements trop tôt, mais bien sûr, c'est toujours la réglementation qui prime. Je dirais que le maître mot est l'adaptabilité. En décembre par exemple, lorsque nous avons vu que c'était possible, nous avons organisé un concours qui n'était pas programmé. Nous veillons donc à être extrêmement réactifs et à tirer profit des opportunités qui se présentent.
Y a-t-il d'autres projets en perspective pour le Pôle ?
Nous avons d'importants projets de travaux, et aimerions notamment créer une seconde piste. Cela permettrait aux compétitions Pros et Amateurs de se tenir côte à côte, toujours dans un soucis de convivialité et de qualité. Compte tenu du grand succès que rencontre notre écurie de propriétaires, nous aimerions également créer de nouveaux boxes. Cela nous permettrait d'héberger davantage de chevaux à l'année, mais également de développer le tourisme équestre: des cavaliers extérieurs pourraient venir avec leurs chevaux le temps d'un week-end pour profiter de notre belle région!