Sarah Abitbol, Isabelle Demongeot, Caroline de Haas et d’autres personnalités publient une tribune en soutien à Amélie Quéguiner
Ce matin, une tribune impulsée par le collectif Nous Toutes, impliqué dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, a été publiée chez nos confrères de l’Obs en soutien à Amélie Quéguiner, assignée en diffamation par la Fédération française d’équitation et son président Serge Lecomte. Sarah Abitbol, Isabelle Demongeot, mais aussi des personnalités du monde équestre telles qu’Alexandra Ledermann, demandent le retrait de cette plainte.
Ce matin, nos confrères de l’Obs, fortement mobilisés autour de la lutte contre les violences sexuelles, ont partagé une tribune priant la Fédération française d’équitation et son président Serge Lecomte de retirer leur plainte en diffamation déposée contre Amélie Quéguiner. Dirigeante d’une structure équestre en Dordogne, celle qui est devenue porte-parole des victimes d’agressions sexuelles dans le milieu équestre après avoir dénoncé celles qu’elle avait subies durant son enfance (lire ici) aurait diffamé Serge Lecomte, et par ricochet la FFE, dans un article paru dans l’Obs le 6 février dernier. Amélie Quéguiner est citée à comparaître le 28 avril 2021 à 13h30 devant la chambre correctionnelle du Tribunal judiciaire de Périgueux.
Impulsée par le collectif féministe Nous Toutes, cette tribune a été signée par des dizaines de victimes de violences sexuelles, sportives, membres d’associations de défense des droits des enfants, psy ou féministes, notamment Sarah Abitbol, championne de patinage artistique ayant témoigné de violences sexuelles dans son livre Un si long silence en janvier 2020, Andréa Bescond, danseuse et comédienne ayant été victime de pédocriminalité, Isabelle Demongeot, ancienne grande joueuse de tennis qui a fait condamner son ancien entraîneur Régis de Camaret pour viols, la skieuse alpine Claudine Emonet, l’écologiste et féministe Sandrine Rousseau, ou encore Caroline de Haas, fondatrice du collectif Nous Toutes et grande figure de la lutte féministe en France.
Des personnalités du monde équestre ont également apposé leur signature, telles qu’Alexandra Ledermann, Marie-Christine de Laurière, Jessica Michel-Botton, Jacqueline Reverdy, ainsi que Julie Beaudoin et Audrey Larcade, victimes présumées de leur ancien entraîneur d’équitation western.
Une pétition ouverte à toutes et tous a également été jointe à cette tribune.
“Nous demandons à la Fédération française d’équitation de retirer sa plainte”
“Nous sommes en 2021. La vague #Metoo aura bientôt quatre ans. Lorsque nous en parlons autour de nous, nous voyons bien que le monde a bougé. Que les mentalités ont évolué. Que la parole des victimes n’est plus considérée de la même manière”, ont écrit les signataires en préambule.
“Nous sommes en 2021. La société a changé. Et pourtant, le mois dernier, une des plus importantes fédérations sportives françaises a porté plainte contre une victime de violences pédocriminelles, Amélie Quéguiner. Pour quelle raison? Car elle avait dénoncé, en février, dans «l’Obs», l’inaction de la Fédération face aux violences sexuelles. Nous demandons à la Fédération française d’équitation de retirer sa plainte. Les ressorts mobilisés sont toujours les mêmes. D’abord, la banalisation, remettant en cause la gravité des faits. La minimisation des violences, leur déqualification, s’illustre par les mots employés: «gestes déplacés», «propos inappropriés» ou encore, récemment, «une énorme bêtise». On repense au «il n’y a pas mort d’homme» prononcé par un ancien ministre de la Culture en 2011, pour parler d’une mise en cause pour viol. À chaque fois, le message envoyé aux victimes est le même: ce que vous avez subi ne compterait pas. Nous le disons à chacune et chacun : ces faits sont graves. Ils sont interdits.
Ensuite, la culpabilisation. «Tu vas briser la famille», «Tu vas porter atteinte à l’image de la fédération, du syndicat ou du parti». Les femmes qui ont tenté de porter plainte ces dernières années le racontent très bien. Dans une étude publiée par Nous Toutes, des centaines d’entre elles ont témoigné avoir entendu, ces derniers mois, de la part des forces de l’ordre: «Vous l’avez cherché en restant avec cette personne», «vous n’aviez qu’à mieux le repousser» ou encore: «Quand on rentre toute seule si tard, faut quand même pas s’étonner.»
Enfin, la menace et la peur. De nombreuses victimes racontent avoir été menacées de ne plus voir leurs enfants ou leurs parents, ou avoir fait l’objet de pressions ou de chantages au suicide. La peur est un mécanisme puissant pour verrouiller la parole. Les personnes mises en cause ou les institutions qui les protègent le savent très bien. La plainte - ou la menace de plainte - en diffamation est un des outils utilisés pour intimider et faire peur. Denis Baupin, Pierre Joxe ou encore Éric Brion: tous ces hommes mis en cause pour des faits de violences sexuelles ont porté plainte contre les journalistes qui avaient révélé les faits ou contre les victimes. Et ont perdu. Ces procédures judiciaires sont coûteuses, tant sur le plan financier que sur le plan humain. Elles peuvent durer des années et sont épuisantes pour les victimes. Dans les cas cités plus haut comme dans le cas de la Fédération française d’équitation aujourd’hui, ces procédures n’avaient qu’un objectif: refermer la chape de plomb.
À chaque fois qu’une victime est attaquée parce qu’elle a dénoncé des violences sexuelles, c’est à toutes les victimes, passées, actuelles ou à venir qu’un message est envoyé. Ce message, c’est taisez-vous. Nous ne nous tairons pas.”