Les contours de la loi visant à renforcer la lutte contre les maltraitances animales s’affinent
Le 29 janvier, l’Assemblée nationale avait adopté, en première lecture, une proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale. Jeudi, le Sénat, chambre haute du Parlement, a analysé ce texte. Celui-ci en sort assez largement modifié, ne serait-ce que sur l’intitulé. Analyse des enjeux de cette loi très attendue, dont les dispositions devront encore être soumises à une commission mixte paritaire.
Auparavant dénommé “Proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale”, le texte, tel que voté jeudi par le Sénat, a été rebaptisé “Proposition de loi visant à renforcer les liens entre humains et animaux”. Pour certaines associations de protection animale, qui décrient notamment la réintroduction, par les sénateurs, de la présence de cétacés dans les delphinariums et d’animaux sauvages dans les cirques, il s’agit d’un “rétropédalage” aboutissant à un “texte en grande partie édulcoré”. Pour autant, à l’instar de deux propositions précitées, les principales modifications apportées au texte de janvier concernent, pour leur plus large part, les animaux de compagnie et les animaux sauvages, à l’exclusion des chevaux, qui ne font partie d’aucune de ces deux catégories. Pour rappel, les principales propositions relatives aux équidés votées en janvier avaient déjà été analysées par GRANDPRIX,
De fait, les sénateurs ont approuvé, quasiment sans aucune modification, trois des mesures approuvées par les députés. À ce titre, restent intactes l’obligation faite aux vétérinaires d’inscrire toute névrectomie pratiquée sur le document d’identification du cheval et sa notification auprès de l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE), l’interdiction des manèges à poneys et la création d’une procédure spécifique pour la vente aux enchères des chevaux abandonnés par leurs propriétaires dans des écuries.
De même, l’attestation et le certificat d’engagement et de connaissance des besoins spécifiques du cheval demeurent et ne subissent qu’un toilettage principalement cosmétique. Ainsi, qu’il soit professionnel ou non, tout détenteur d’un équidé, qui n’en est pas forcément le propriétaire, devra attester de ses connaissances relatives aux besoins spécifiques de l’espèce en cause. Si le détenteur n’est pas professionnel, alors cette attestation prendra la forme d’un certificat d’engagement et de connaissance, dont le contenu et les modalités de délivrance seront ultérieurement précisées par décret. Les sénateurs ont toutefois souhaité préciser deux points au système d’attestation prévu par les députés. En premier lieu, les vendeurs d’équidés devront, comme les vendeurs d’animaux de compagnie, s’assurer que le futur détenteur a bien attesté de ses connaissances avant la transaction. En second lieu, le système de certificat sera étendu aux détenteurs actuels qui, s’ils ne sont pas professionnels, disposeront d’un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, pour se mettre en conformité.
Des contrôles antidopage en dehors des terrains de concours
Outre ces quelques modifications à la marge, pour les équidés, les seuls véritables changements proposés par le texte des sénateurs se situent à quatre niveaux. D’abord, l’extension des contrôles des agents de lutte antidopage animal aux terrains d’entraînement et lieux de garde des animaux de sport. Aujourd’hui, la compétence des agents de l’Agence française de lutte contre le dopage est circonscrite aux seuls lieux et dates de manifestations sportives. Avec cette proposition, ils pourraient accéder aux centres d’entraînement et écuries pour y effectuer des contrôles, assurer un suivi longitudinal tel que ceux imposés aux athlètes humains, et prononcer, le cas échéant, les sanctions administratives correspondantes. Ensuite, les sénateurs ont introduit une exonération de TVA pour les actes vétérinaires effectués dans les refuges. Ils ont aussi travaillé sur l’encadrement du commerce en ligne. Si, au vu de leur taille, les équidés ne sont pas concernés par l’interdiction d’envoi postal des animaux, la mention “satisfait ou remboursé” devrait disparaître des annonces et argumentaires commerciaux.
Enfin, la chambre haute a partiellement remanié l’arsenal répressif des actes de maltraitance sur les animaux voté par l’Assemblée nationale en janvier. Sans remettre en question l’objectif de renforcement de la répression de ces méfaits, la proposition actuelle vient moduler, à des fins de “clarification” ou de “cohérence”, certaines dispositions. La plupart des propositions devraient susciter un consensus. Ainsi, le Sénat propose de regrouper, sous un article unique, l’ensemble des circonstances aggravantes applicables aux actes de maltraitance, sévices graves et actes de cruauté envers les animaux et de toutes les réprimer d’une peine maximale de quatre ans d’emprisonnement et de 60.000 euros d’amende. Seuls les actes aboutissant à la mort de l’animal resteraient passibles de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende. Dans le même sens, une autre proposition vise à renforcer la lutte contre les infractions de nature sexuelle contre les animaux en prévoyant, notamment, l’inscription des auteurs des actes de zoo-pornographie au fichier judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles et en étendant la répression des “sévices” sexuel, qui nécessitent la caractérisation d’un acte de pénétration, aux “atteintes” sexuelles de toute nature.
Le sempiternel casse-tête du statut juridique de l’animal
Notons enfin que la proposition modifiée par les sénateurs attache une importance toute particulière aux mineurs, dans un objectif de protection contre les traumatismes causés par la vue d’actes de violence infligés aux animaux mais également dans un objectif affiché de précaution, “afin d’éviter qu’un mineur ayant assisté à des scènes de maltraitance, prenne exemple et reproduise ultérieurement les actes dont il a été le témoin”. À cette fin, ils proposent d’instaurer la possibilité de mener une enquête sociale en cas de signalement de maltraitance animale au sein du foyer, mais également de réprimer plus sévèrement les actes de maltraitance commis devant des mineurs.
D’autres amendements semblent davantage sujets à controverses. Ainsi, le texte réintroduit la possibilité, pour les juges, de prononcer des interdictions temporaires de détention d’animaux tandis que les députés avaient considéré qu’une telle interdiction devait nécessairement être définitive. Dans le même sens, la chambre haute revient sur l’introduction d’un cas de légitime défense spécifique aux atteintes aux animaux, partant du constat que les animaux étaient légalement soumis au régime des biens. Sous-jacent à cette question ressurgit alors le casse-tête du statut juridique de l’animal. Selon le rapport de la Commission sénatoriale chargée d’étudier le texte, une telle distinction risquerait d’introduire “un nouveau régime juridique propre aux animaux, distinct des deux catégories structurantes que sont les biens et les personnes”.
Aucune de ces modifications n’est aujourd’hui définitive. Elles devront toutes faire l’objet d’une discussion en commission mixte paritaire, composée de représentants des deux chambres. Si les modifications des sénateurs relatives aux équidés ne portent guère à débat, le risque est grand que le texte ne parvienne pas à susciter un consensus sur les sujets plus débattus des animaleries, cirques et autres delphinariums. Dans une telle hypothèse, l’Assemblée nationale aurait le dernier mot, mais vu l’importance des désaccords en question, il y a fort à parier que cette proposition de loi ne serait pas adoptée avant la fin du quinquennat, ce qui ferait des animaux “les grands perdants”, selon la fondation Droit animal.
À PROPOS DE L’AUTEURE
Depuis 2010, Émilie Waxin, avocat au barreau de Paris, a exercé au sein des départements corporate et contentieux de plusieurs cabinets d’affaires français et luxembourgeois. Cette double pratique lui permet aujourd’hui d’intervenir à tous les stades afin de déterminer l’approche la plus appropriée de nature à éviter, désamorcer ou, le cas échéant, résoudre les situations de crise. Par ailleurs, cavalière et passionnée d’équitation depuis de nombreuses années, elle a souhaité déployer son expertise juridique au sein du secteur équin. Elle intervient ainsi aux côtés des différents acteurs de la filière (institutionnels, cavaliers, propriétaires, centres équestres, etc.) tant en conseil qu’en contentieux.
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