H&M All In de Vinck signe le come-back de l’année
Durant la période des fêtes, GRANDPRIX revient sur les événements, les faits, les femmes, les hommes et les équidés qui ont marqué 2021. Cet été, H&M All In de Vinck est devenu le deuxième cheval de l’histoire à remporter une médaille individuelle en saut d’obstacles lors de deux éditions consécutives des Jeux olympiques. Après avoir connu une opération en raison de coliques en 2016, puis une période sportivement plus difficile en 2018 et 2019, le hongre a incontestablement signé le come-back de l’année en glanant l’argent individuel et l’or collectif à Tokyo sous la selle de Peder Fredricson.
Né le 17 mars 2006 chez Bas Huybregts, H&M All In de Vinck (SBS, Kashmir van Schuttershof x Andiamo) se fait remarquer dès son plus jeune âge. Lors de sa toute première compétition, le bai est repéré par Jan et Bart von Hove, qui l’achètent. “Quand All In était jeune, il était très chaud, explique son naisseur. Nous voyions qu’il avait énormément de qualité et qu’il était un bon sauteur, mais nous doutions un peu de ses moyens.” Deux ans plus tard, les deux frères décident de confier l’attachant cheval belge à la famille Philippaerts afin qu’il soit valorisé sur la scène internationale. “Nous avons vite vu que c’était un cheval phénoménal, un crack! Il avait vraiment beaucoup de talent”, raconte Ludo Philippaerts. “Dès que je suis monté dessus, le sentiment était incroyable!”, renchérit son fils, Nicola, qui a pris les rênes du futur multimédaillé en 2012. Cependant, “il était très chaud, et devenait très fort à l’abord des obstacles, explique le Belge. Même s’il était délicat, je peux facilement dire que c’est l’un des meilleurs chevaux que j’aie montés dans ma vie.”
En septembre 2013, le fils de Kashmir van Schuttershof s’illustre lors des championnats du mondes des jeunes chevaux de saut d’obstacles de sept ans, à Lanaken. Il termine au quatrième rang de la compétition, remportée cette année-là par Atlantic du Seigneur (SBS, Schilling x Aramis de la Cense) et Gudrun Patteet devant le phénoménal Bacardi VDL (KWPN, Corland x Kannan), alors sous la selle de Jos Lansink. À cette occasion, All In devance deux futurs cracks du circuit mondial: sa demi-sœur Gazelle ter Elzen (BWP, Kashmir van Schuttershof x Indoctro), présentée par Eiken Sato, mais aussi un certain Clooney 51 (WESTPH, Cornet Obolensky x Ferragamo), monté par Jana Wargers. “Nous avons fait une faute au barrage mais avons signé le deuxième meilleur chronomètre, donc nous aurions pu être sur le podium sans cette faute, se remémore Nicola Philippaerts. Il avait été très chaud!”
L’ascension vers le plus haut niveau
Forcément remarqué par bon nombre d’acteurs du monde du saut d’obstacles en Belgique, le bai rejoint finalement Peder Fredricson à la fin de l’année 2013. Celui-ci le fait en effet acheter par son fidèle sponsor, Stuteri Arch. Malgré une première impression mitigée, le Suédois est vite séduit par son nouveau complice. “Au premier regard, All In n’a vraiment pas l’air d’une star, concède-t-il. Même monté sur le plat, il ne dégage rien de spécial. En revanche, dès qu’il saute, il est incroyable! Il a un bon mental et beaucoup de sang, tout en restant relaxé. Il est très talentueux. Il est doté d’une impressionnante habileté à sauter.” Durant le premier semestre de son année de huit ans, All In ne saute que des épreuves à 1,40m et 1,45m, à l’exception d’une compétition à 1,55m avec winning round disputée lors du CSI 3* de Windsor, dont il sort d’ailleurs avec une seule faute au compteur. Le talentueux hongre prend le départ de son premier Grand Prix CSI 5* en mai de son année de neuf ans, à l’occasion de l’étape du Longines Global Champions Tour de Hambourg. Dans le Nord de l’Allemagne, il commet une faute en première manche avant de sortir sans aucune faute de la seconde pour prendre la douzième place de l’épreuve. Son chemin se poursuit cette année-là vers les Coupes des nations des CSIO 5* de Rotterdam et Falsterbo, toutes deux conclues sans mettre la moindre barre à terre, et le Grand Prix 5* de Knokke, dont il termine huitième grâce à un nouveau double sans-faute. “On m’a proposé de participer aux championnats d’Europe d’Aix-la-Chapelle avec lui, mais j’ai jugé qu’à neuf ans, c’était encore un peu tôt”, confie son cavalier.
L’année suivante, le hongre est parfaitement prêt pour disputer les plus grandes échéances. Après trois doubles sans-faute dans les Coupes des nations des CSIO 5* de Saint-Gall, Rotterdam et Falsterbo, il s’envole pour défendre les couleurs suédoises aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro. Survolant les parcours dessinés par Guilherme Jorge, le fils de Kashmir van Schuttershof s’invite au barrage de la finale individuelle, pour lequel cinq autres couples sont qualifiés. Lors de cet ultime acte, Peder Fredricson laisse échapper la médaille d’or pour cinquante-trois centièmes de seconde en faveur de Nick Skelton et Big Star (KWPN, Quick Star x Nimmerdor), et doit ainsi se contenter de l’argent, alors que sans remise à zéro des compteurs avant la finale, l’or lui aurait échu de droit, son complice n’ayant pas renversé une seule barre sur la piste de Deodoro. “J’étais très heureux d’être aux côtés de Nick (Skelton, ndlr) et d’Éric (Lamaze, ndlr) sur le podium, explique le chef de file du saut d’obstacles suédois après cette performance. Même si l’or est le meilleur métal, décrocher une médaille aux Jeux olympiques est quelque chose de géant… Vous réalisez que ça, personne ne pourra vous l’enlever. Vous essayez de profiter, parce que vous savez que c’est quelque chose de rare. De fait, revenir à la raison a été un peu compliqué.”
Göteborg, lieu d’un exploit au cœur d’une période troublée
Quelques mois après son exploit brésilien, en octobre 2016, All In, souffrant d’une torsion de l’intestin, doit subir une opération. Le crack s’en remet progressivement, et reprend la compétition à la fin du mois de mars 2017 lors d’un CSI 3* à Arezzo, avant de retrouver les épreuves importantes à Hambourg, où il s’impose dans la deuxième manche de la Longines Global Champions League au nez et à la barbe de plusieurs chevaux de grands talents dont la regrettée Chiara 222 (HOLST, Contender x Coronado 3) ou encore Casall (HOLST, Caretino x Lavall II), qui remportera quelques heures plus tard le dernier Grand Prix CSI 5* de sa brillante carrière. Lauréat coup sur coup de la Coupe des nations et du Grand Prix Longines du CSIO 5* de Rotterdam, puis deuxième de l’épreuve majeure des CSIO 5* de Falsterbo et CSI 4* de Münster, le complice de Peder Fredricson est naturellement appelé à représenter la Suède aux championnats d’Europe Longines.
Dans le stade de Göteborg, le SBS prend la tête dès la Chasse. Comme à Rio l’année précédente, l’attachant bai répète les efforts sans sourciller. Dernier à s’élancer d’une finale individuelle palpitante, il surmonte la pression avec son cavalier mais bute sur l’oxer en milieu de triple, particulièrement fautif, récoltant un point de temps supplémentaire. En dépit de ces cinq points de pénalité, les médaillés d’argent olympiques sont cette fois sacrés champions d’Europe, devant Harrie Smolders sur Don VHP (Z, Diamant de Semilly x Voltaire) et Cian O’Connor avec Good Luck (BWP, Canturo x Furioso II). Une deuxième récompense amplement méritée et fortement applaudie par les spectateurs, survoltés de voir leur héros national s’imposer sur ses terres. “Ma médaille à Rio m’a donné confiance, et j’avais surtout été déçu de ne pas être allé assez vite au barrage, réagit alors le grand champion. C’est clair, je préfère l’or à l’argent! Je savais que j’allais avoir une pression monstrueuse. […] C’était mon but d’être là aujourd’hui, depuis plus d’un an, et ce fut un long travail pour être ici. Je ne savais pas si All In allait tenir la distance car il avait sauté peu de parcours à cause de son opération. Il est incroyable, et je suis très heureux et fier de lui avoir donné cette médaille d’or. Il le mérite tellement!”
À l’automne, le hongre fait de nouveau face à un pépin de santé, qui le prive d’une participation à l’étape Coupe du monde de Lyon. Troisième du Grand Prix CSI4* à 1,55m de Stockholm en fin d’année, il ne réapparait pas en compétition internationale durant le premier semestre 2018, et ne prend d’ailleurs part qu’à deux Grands Prix cette année-là, à Genève et Londres, qu’il conclut aux dixième et sixième rangs. L’année 2019 démarre très bien pour le SBS avec une victoire dans l’épreuve reine du CSI 3* de Lillestrøm, puis une troisième place dans celle du CSI 5* de Hambourg, et surtout un triomphe dans le Grand Prix CSI 5* de Stockholm, toute nouvelle étape du Longines Global Champions Tour. Ajoutant des victoires à domicile dans la Coupe des nations et le Grand Prix du CSIO 5* de Falsterbo à son palmarès déjà bien fourni, All In est logiquement sélectionné pour les championnats d’Europe de Rotterdam, mais n’y apparaît pas à son meilleur niveau, comptabilisant trois fautes synonymes de septième place finale. Le CHI de Genève ne sourit pas non plus au bai, qui avait pourtant relativement bien débuté sa saison indoor en s’offrant la cinquième place du Grand Prix CSI 5*-W d’Oslo avec un sans-faute sur le parcours initial. Dans l’immense et mythique hall de Palexpo, il trébuche à la réception du mur lors de la première manche de la finale du Top Ten IJRC, qu’il achève avec pas moins de vingt et un points au compteur avant que son cavalier ne déclare forfait pour le second acte. “Après avoir remporté les championnats d’Europe à Göteborg, All In a été écarté des terrains de compétition un bon moment, s’est exprimé Peder Fredricson à l’occasion d’un long entretien accordé à GRANDPRIX en février 2020, durant lequel il est revenu sur la période difficile traversée par son complice. L’année suivante, je n’ai pas pu l’emmener aux Jeux équestres mondiaux de Tryon car il a eu un problème au jarret. Après cela, il est revenu et a réalisé quelques très bonnes choses, comme ses victoires à Stockholm et Falsterbo. Malgré cela, on ne peut pas dire qu’il soit vraiment le même. Je m’en suis bien rendu compte à Genève. Il reprendra la compétition dans des épreuves modestes, jusqu’à ce que je juge qu’il a retrouvé toute sa superbe. En vue des Jeux de Tokyo, il devra être en meilleure forme.”
Une montée en puissance progressive, puis le Graal
De décembre 2019 à avril 2021, All In reste près d’un an et demi sans fouler un terrain de concours international. Au printemps, il effectue un retour progressif à la compétition, d’abord sur des épreuves à 1,40m, avant de retrouver les Grands Prix à 1,60m lors d’une étape du Longines Global Champions Tour disputée à Valkenswaard. Aux Pays-Bas, le bai ne commet qu’une faute sur un vertical très clair en début de parcours. Il est ensuite aligné dans l’épreuve majeure du CSI 5* de Stockholm, où il écope cette fois de huit points, puis retourne à Rotterdam, où il signe un beau double sans-faute dans le Grand Prix CSIO 5*, dont il prend la cinquième place. Une performance suffisante pour convaincre Henrik Ankarcrona, chef d’équipe de la Suède, d’embarquer le fils de Kashmir van Schuttershof dans ses valises pour les Jeux olympiques de Tokyo, où le petit hongre va largement participer au triomphe suédois.
Le premier jour, lors de la qualificative individuelle, le SBS signe un sans-faute, tout comme H&M Indiana (BWP, Kashmir van Schuttershof x Animo’s Hello) et King Edward (BWP, Edward 28 x Feo), qui défendent avec lui le drapeau suédois sous les selles de Malin Baryard-Johnsson et Henrik von Eckermann. Le lendemain, les trois chevaux viennent à bout d’un parcours des plus délicats, comportant bon nombre d’oxer carrés, cinq verticaux à 1,65m et une rivière large de quatre mètres. Ils permettent ainsi à leurs trois cavaliers de s’inviter au barrage, pour lequel six duos sont qualifiés. Troisièmes à prendre le départ, Peder Fredricson et All In abaissent le chronomètre de référence établi par Malin Baryard-Johnson de près de trois secondes et prennent ainsi une sérieuse option sur la victoire. Ils sont finalement uniquement battus par Ben Maher et Explosion W ((KWPN, Chacco-Blue x Baloubet du Rouet), grandissimes favoris. Comme à Rio, cinq ans plus tôt, l’attachant bai se pare donc d’argent olympique. “Tous les meilleurs cavaliers rêvent de décrocher la médaille d’or, mais aujourd'hui c'était au tour de Ben, dit alors son cavalier. J’ai toujours eu à l’esprit de venir ici avec un cheval en pleine forme, mais nous avons pris un peu de retard à cause de la pandémie de Covid-19 et de la rhinopneumonie, et j’ai manqué de temps pour vraiment peaufiner [la] préparation [d’All In]. Je dirais qu’il a atteint son meilleur niveau une fois arrivé ici. Il sait se montrer à la hauteur quand il le faut et il est naturellement très respectueux. Il a un drôle de caractère, à la fois paresseux, mais très talentueux. Il a une forte personnalité pour un petit cheval, mais cela n’a pas d'importance lorsqu’il il saute ainsi!”
Non contents de ce superbe résultat, qui fait du SBS le deuxième cheval de l’histoire à obtenir une médaille individuelle en saut d’obstacles lors de deux éditions successives des Jeux olympiques, Peder Fredricson et son complice vont accomplir une nouvelle performance de grande envergure dans la compétition par équipes. Lors de la qualificative, la Suède réussit à ne produire que des parcours limpides, précis, harmonieux, et – surtout – sans-faute! Le lendemain, les Scandinaves apparaissent donc comme favoris pour le titre olympique, mais vont devoir, nouveau format oblige, se battre encore plus que prévu pour le décrocher. Si Henrik von Eckermann et King Edward produisent une nouvelle fois un parcours impeccable, Malin Baryard-Johnsson se fait en effet piéger dans le triple avec la démonstrative Indiana et All In sort également de piste avec quatre points de pénalité, ce qui oblige la Suède à barrer avec les États-Unis pour le plus beau des métaux. Lors de cet ultime acte pour atteindre le sommet de l’Olympe, les représentants américains ne déméritent pas, produisant trois rapides sans-faute et mettant grandement la pression sur les Scandinaves. Ceux-ci ne craquent pas, King Edward devenant le troisième cheval de l’histoire à laisser toutes les barres sur leurs taquets lors de Jeux olympiques et Indiana ne faisant pas plus de faute. Dernier Suédois mais aussi dernier cavalier tout court à prendre le départ de ces Jeux olympiques, Peder Fredricson tient l’or entre ses mains. Après le parcours extrêmement rapide de McLain Ward, le “cavalier d’acier” sait qu’il doit franchir la ligne d’arrivée en 40 »31 ou moins. Faisant une nouvelle fois montre de la complicité qui l’unit à son petit hongre, le cavalier termine son barrage en 39 »01, décrochant le Graal pour une Suède qui n’était plus montée sur la plus haute marche du podium olympique depuis 1924! "C'est incroyablement satisfaisant de décrocher l’or, se réjouit alors celui qui occupe désormais le rang de numéro un mondial. Et mon cheval le mérite aussi pour la façon dont il a sauté, je suis tellement heureux pour lui, sa propriétaire, sa groom, toute l'équipe et mes coéquipiers. C'est un sentiment formidable ! Il y avait de la pression ! […] [All In] l est en super forme, mais j'avais vraiment peur qu'il renverse le premier plan [du dernier obstacle] avec ses postérieurs, ce qu’il n’a pas fait !"
Peder Fredricson et son génialissime complice, après être rentrés dans l’histoire au pays du soleil levant, poursuivent leur saison du côté du somptueux Circus Maximus, à Rome, où deux étapes des circuits Global Champions sont organisées mi-septembre. Le premier week-end, All In termine septième d’une épreuve à 1,50m, avant de conclure au sixième rang le Grand Prix du 18 septembre, juste après avoir remporté la deuxième manche de la Longines Global Champions League. Le fils de Kashmir van Schuttershof saute ses dernières barres de la saison dans le manège de la X-Bionic Sphere de Samorin, en novembre. En Slovaquie, il prend la huitième place du premier Grand Prix 5* disputé après un sans-faute sur le parcours initial et un barrage à quatre points, puis la dixième de l’épreuve reine du deuxième week-end, dont le parcours, extrêmement corsé, a donné beaucoup de fil à retordre aux cavaliers, et conduit All In à écoper de deux fautes.
À bientôt seize ans et avec quatre participations en grands championnats lui ayant permis d’obtenir cinq médailles d’or ou d’argent au compteur, le petit et attachant bai à la technique presque parfaite n’a plus rien à prouver. Vers quels horizons son chemin se poursuivra-t-il? Réponse en 2022!