Comment particuliers et professionnels aménagent-ils leurs écuries?
En quoi l’aménagement d’une écurie diffère-t-il selon que celle-ci soit destinée à un particulier ou un professionnel? Outre la question du budget, naturellement liée à un potentiel retour pécuniaire sur investissement, rencontre-t-on les mêmes problématiques? Avec l’appui de plusieurs acteurs du secteur, il peut être utile de retracer le chemin et les réflexions d’un équitant, quel que soit son statut. De l’arrivée aux écuries jusqu’à la direction des prés, suivez les guides!
“Le particulier mène souvent une double vie active, et cumule les heures de travail et celles consacrées aux chevaux. Il est dès lors nécessaire d’aménager une écurie la plus fonctionnelle possible!”, amorce Édouard Seynhaeve, gérant d’Environnement Équestre, société établie à Fontenay-en-Parisis, dans le Val-d’Oise. “Les tâches quotidiennes doivent pouvoir être effectuées rapidement, et si possible sans se salir. Il faut également prendre en compte qu’il y aura peu voire pas de surveillance en journée et prévoir ainsi des sas de sécurité si des clôtures ou une porte viennent à céder. L’idéal dans ces cas reste le box/paddock, où le cheval peut évoluer à sa guise tout en ayant accès à un box confortable pour le nourrissage et le repos, dans lequel il y aura si possible un abreuvoir automatique hors gel - il existe d’ailleurs désormais des abreuvoirs automatiques connectés, qui indiquent le débit d’eau et s’il y a d’éventuels problèmes.” Environnement Équestre a une part importante de clients privés, en sus d’un public professionnel. “Un particulier a souvent proportionnellement plus de place pour chaque cheval et peut investir davantage pour chaque aménagement - entre le coût de deux et vingt boxes, il y a évidemment un budget différent! Ainsi, on peut penser aux abris avec râtelier intégré ou au couloir d’alimentation en libre-service pour distribuer le foin, et prévoir un bâtiment particulièrement bien tempéré pour ne pas avoir à jongler avec les couvertures. La construction d’écuries privées a crû ces derniers temps, entre la migration des propriétaires vers la campagne et le désir d’avoir son cheval chez soi après ces périodes de confinement post Covid-19, et il est fort probable que cette tendance se confirme dans les années à venir.”
Anticiper les déplacements quotidiens et la gestion du fumier
Au commencement étaient le chemin et la stabilisation du terrain. “La voirie fait partie des premières préoccupations sur un chantier car même si les volumes qui y passent seront moindres pour le chantier d’un amateur, elle ne peut être bâclée ou, pire, ignorée”, dicte Vincent Brihaye, gérant de la société nordiste Concept Sol, qui exerce dans tous les aménagements équestres: carrière, manège, paddock, rond de longe, sol, arrosage et voirie. “Dans un premier temps, on se renseigne sur la nature du terrain qui amène à l’espace à bâtir et qui le traverse: est-ce de la terre argileuse? De la pierre poreuse?... On estime alors s’il doit être soutenu ou corrigé. Il faut également rapidement prendre en compte la gestion des eaux, d’autant qu’il y aura de nombreuses surfaces imperméabilisées. Le phénomène de ruissellement de l’eau et le véritable poids des engins d’un chantier équestre sont souvent méconnus par le public, qu’il soit amateur ou professionnel. Si l’infrastructure n’a pas à subir de travaux dans les années à venir, elle va néanmoins devoir continuellement recevoir des tonnages de paille et foin, et préparer l’évacuation du fumier. Si le sol n’est pas étudié pour porter des charges lourdes, il faudra que ces dernières soient déchargées en amont puis transportées sur des engins de petits gabarits via plusieurs allers-retours, ce qui ajoute des coûts. Les parkings sont souvent mieux anticipés car pratiqués au quotidien. Dans tous les cas, le conseil en amont et la confiance établie sont les clés pour une structure fonctionnelle: il faut jouer la transparence des deux côtés pour être solides sur nos appuis!”
Un terrain stabilisé sera à même de sup- porter les équipements pour gérer le fumier. Qu’il soit fait par mécanisation ou à la main, sur paille, sur copeaux ou sur lin, le fumier reste un volume à traiter, qui ne peut être ignoré... À l’heure actuelle, l’aide mécanique semble de plus en plus plébiscitée. “La grande majorité de nos clients, qu’ils soient professionnels ou amateurs, conçoit désormais une écurie en y intégrant la possibilité du curage mécanique”, indique Grégory Rulquin, dirigeant de la société vosgienne Cheval Liberté, une des leaders du marché. “Tout équitant aimerait réduire le temps et l’effort physique consacrés à cette corvée. Le particulier rogne sur son temps de loisir et le professionnel sur son temps de travail, alors que les deux souhaitent se consacrer davantage à leurs chevaux.” Les options d’ouvertures pour permettre le curage mécanique s’évaluent à l’aune des infrastructures et de l’engin disponibles. “Nous avançons pour cela cinq solutions – façade et porte coulissantes ou battantes sur la moitié ou la totalité du box, ou encore la possibilité d’ouvrir les séparations de boxes afin de former un couloir accessible par tracteur. Si le particulier a rarement un tracteur, il est toutefois usuel qu’il fasse appel à celui de l’agriculteur voisin... Au final, amateurs et professionnels se rejoignent sur un point: la gestion du fumier entièrement faite à la main se conjugue de plus en plus au passé.”
La nécessaire évolution de la gestion du fumier est partagée par Yves Jarousseau, anciennement dans la gestion et l’aménagement d’écuries et actuellement fondateur de la société NBTR Conveyor, établie en Hauts-de-France et spécialisée dans le convoi de matériaux par tapis roulant. “La fumière et l’évacuation du fumier sont souvent étudiées après l’aménagement des boxes, alors que l’inverse serait préférable. Je sais très bien à quoi correspond la charge d’entretien d’un box, et pour y pallier, je mûris depuis longtemps un projet de nettoyage des boxes par tapis roulant dans un système de canalisation enterrée avec des trappes situées dans ou devant le box pour remplacer la chaîne à fumier souvent utilisée jusqu’alors et qui présente de nombreux inconvénients (bruit, lenteur, etc.)” Ce système, sorti en 2021, peut être établi dès la construction d’une écurie, mais également dans le cas d’un bâtiment déjà existant. “Il n’y a pas de risque de blocage au niveau des trappes et du couloir, et la machinerie ne nécessite pas d’entretien. Son fonctionnement peut être contrôlé et automatisé. Silencieux, ce système consomme peu d’énergie électrique. Le crottin et le fumier n’étant plus stockés dans des poubelles ou à l’air libre, il n’y a plus l’odeur d’ammoniac généralement caractéristique des écuries. Le tapis roulant est adaptable pour une écurie de deux à deux cents boxes!” Le coût est calculé au mètre linéaire et l’investissement correspond dès lors à la taille de l’écurie. “C’est un système qui attire davantage les professionnels pour le moment, mais j’espère qu’il pourra se démocratiser car chaque cavalier, groom ou palefrenier est concerné.”
Penser l'écurie différemment
Une fois la question du fumier réglée, de nombreux aménagements restent à fixer, à commencer par la praticité et l’esthétisme de l’écurie. “J’ai souhaité aménager des écuries modernes et qui répondent à la fois au bien-être du cheval et du cavalier”, avance Nina Laurent, nouvellement gérante de l’écurie de La Roche, proche de la région lyonnaise, qui a reçu en 2021 le prix de la construction en bois d’Auvergne-Rhône-Alpes. “Le domaine déjà existant apportait certes du charme, mais également des contraintes. Souhaitant apporter une conception moderne, j’ai fait appel avec mon équipe à des architectes non spécialisés en équitation pour leur regard en dehors des cadres, tout en recueillant en parallèle les expériences des professionnels équestres de tout secteur: alimentation, structure des boxes, gestion du fumier, etc. Il m’a semblé important de mêler les expériences des amateurs et des professionnels, et pour cela, j’ai commencé par puiser dans mes propres connaissances de propriétaire. Par exemple, pour la sellerie, les casiers sont imposants et peuvent contenir le matériel d’un couple de manière saine et pratique, sans avoir à faire des choix drastiques sur l’équipement entreposé et sans risque d’une mauvaise aération ou d’une dégradation du matériel à force d’être plié dans tous les sens pour être casé. Les premiers retours de nos pensionnaires sont très positifs: bonne gestion des problèmes respiratoires, bons accompagnement et suivi vétérinaire, appréciation de la surveillance individualisée, sols très confortables pour les chevaux, etc. Il est nécessaire à mon sens de ne pas faire de schisme entre les expériences d’un amateur et celles d’un professionnel. Évidemment, ce dernier a une connaissance aiguë de son secteur, mais il est sain qu’il communique régulièrement avec les utilisateurs amateurs pour comprendre les différents ressentis et habitudes sur le terrain, s’il est possible d’améliorer tel équipement, etc.”
Plutôt établie en Allemagne, l’écurie circulaire est assez marginale en France mais demande à être connue. Pouvant contenir le même nombre de boxes qu’une écurie classique, l’écurie circulaire a l’avantage de regrouper sous une même structure des boxes, un espace intérieur, voire un marcheur circulaire selon les configurations. “Ce type d’écurie convient tout à fait aux professionnels et aux amateurs puisqu’elle permet des manipulations rapides, de voir d’un seul coup d’œil si tout se passe bien, et d’avoir de bonnes luminosité et ventilation. Les chevaux aussi se voient davantage, ce qui est toujours un plus pour leurs intéractions sociales”, détaille Beate Lindauer, chargée marketing de la société allemande Kraft, une des leaders de son secteur. “Il y a trois grandes options d’aménagements possibles: un grand espace central utilisé comme aire de stockage ou de pansage, entouré par des boxes; un espace central plus petit mais avec un marcheur circulaire qui passe derrière les boxes; et enfin, la triple combinaison grand espace central pouvant servir à longer, boxes et marcheur. L’espace est parfaitement optimisé, disponible pour chacun, et ne demande qu’une seule toiture. Il est en outre possible d’ajouter des paddocks individuels pour chaque box. Au final, l’écurie circulaire offre une ambiance saine et chaleureuse, est pratique, et avance un esthétisme différent qui plaira au particulier qui aime le changement, ou au professionnel qui souhaite proposer une écurie intimiste à ses clients.”
Les bâtiments d'entraînement
Si tous les propriétaires particuliers possè- dent un espace de repos pour leur cheval, l’investissement dans les aires de travail est moins systématique. Exercices en extérieur ou location d’installations voisines, la délocalisation du travail de l’équidé n’est pas marginale, y compris pour certains professionnels qui n’hésitent pas à compléter leurs aires de travail auprès d’une structure attenante. Néanmoins, les déplacements requis et leurs coûts économiques et écologiques, ainsi que les épisodes de pandémie de Covid-19 puis de rhinopneumonie qui ont paralysé les trajets des équitants, ont sans doute apporté un poids supplémentaire sur la balance quand il a été question d’investissement ou non sur son terrain. Ainsi, on constate que l’érection des manèges et des marcheurs ne faiblit pas, que ce soit chez les amateurs passionnés ou les professionnels.
“Si les professionnels constituent les trois quarts de nos clients, un tiers de particuliers investissent néanmoins dans un manège”, informe Olivier Rats, directeur général du charpentier-bâtisseur manchois James. “Souvent, le particulier a une carrière depuis quelques années et souhaite désormais la couvrir pour se prémunir des intempéries. Les dimensions sont généralement plus petites, de l’ordre de 20 x 40m. En réalité, seules les mesures vont différer car le manège aura les mêmes qualités et rigueurs techniques, qu’il soit destiné à un particulier ou un professionnel. Le budget pour un manège est plutôt bien évalué par un particulier, même s’il est parfois nécessaire de revoir ses exigences de dimension à la baisse. Le manège est désormais considéré comme un bâtiment équestre à part entière, alors qu’autrefois les particuliers et professionnels se tournaient plutôt vers des bâtiments de stockage aménagés; il ne faut pas oublier qu’il y a des gabarits et des normes à respecter. Dans la même veine, on sous-estime souvent l’importance de l’éclairage d’un manège et les lumières traditionnelles conviennent peu en termes de teintes et de contrastes pour le cheval ou le cavalier. Nous proposons d’ailleurs depuis peu avec notre filiale Jlighting des produits et solutions d’éclairages LED français, en parallèle de notre société de construction. Qu’il soit particulier ou professionnel, l’équitant aura à cœur de profiter pleinement de son manège!”
Permettant à l’équidé un déplacement régulier et dans le calme, le marcheur est encore très associé au monde des professionnels. “Le marcheur est un équipement acheté en large majorité par un public de professionnels (à 95%, ndlr)”, enchérit Anthony Ras, commercial de la société seino-marine Les Ateliers de Bréau SAS, fabriquant et installateur connu pour sa marque Marcheur CTL. “En général, l’achat porte à la fois sur le mécanisme, le bâtiment couvrant et les lices, mais il est possible d’acheter le mécanisme seul pour l’intégrer à un bâtiment existant ou à faire soi-même. Les 5% restants sont des particuliers qui ont plusieurs chevaux et qui veulent leur offrir des instants de marche et de détente sans enrênement et sans longe, avant ou après le travail, voire en remplacement. Le tapis roulant peut être une alternative pour le particulier qui désire que son cheval s’exerce sans pour autant acquérir un marcheur. Comme de nombreux équipements, il est recommandé de demander conseil avant d’investir, que l’on soit particulier ou professionnel: quel est son besoin, l’emplacement et le budget disponibles, les attentes de matériaux pour la sécurité et le confort du cheval, l’esthétisme requis pour s’intégrer à l’écurie?... Nous notons un accroissement du nombre de demandes ces derniers temps, sans doute en réponse aux épisodes de pandémie de Covid-19. Marcher est, et a toujours été, vital pour le cheval, ne l’oublions pas.”
La vie à l'extérieur
Enfin, concluons notre visite virtuelle par les aires extérieures. Pour les écuries qui ont la chance d’en posséder, paddocks et prairies sont de précieux atouts. Clôturer ces derniers n’est néanmoins pas toujours aisé, à commencer par le choix du matériau. “Le bois est le matériau traditionnel dans le mi- lieu équestre, mais il en existe néanmoins d’autres adaptés aux chevaux, en particulier le hanit (développé par la marque, ndlr), une matière en plastique 100% recyclé qui permet de proposer une réelle alternative”, détaille Raphaël Legendre, directeur de la société Hahn France, filiale du groupe Hahn implantée en France depuis 2014. “Ce matériau est notamment plébiscité pour les clôtures car il résiste aux morsures et aux intempéries, ne présente pas d’angles vifs et d’échardes. Nos produits intéressent autant les professionnels que les particuliers pour leurs caractéristiques: absence d’entretien, coûts rapidement amortis, réutilisation et matériau écoresponsable. Notre plastique recyclé, de par ses propriétés, gagne en visibilité et se fait une place dans le milieu équestre et agricole.”
Dans la même famille de matériaux, les dalles de paddock s’épanouissent aux pieds des lices auprès de nombreux propriétaires d’équidés, professionnels ou particuliers. “Les dalles de paddock en plastique 100% recyclé hanit sont de plus en plus répandues car elles permettent de consolider le sol sans l’imperméabiliser. Elles résistent à l’urine, au sel, au gel, aux UV et aux coups de sabot. Tout a été pensé pour les chevaux!”, reprend Raphaël Legendre. “Les professionnels l’apprécient pour sa résistance aux charges lourdes (tracteur, remorques, camion, etc.), quand les particuliers sont généralement plus intéressés par la salvatrice absence de boue générée par les dalles, avec les soins et les entretiens évités qui s’ensuivent. Les dalles de paddock sont désormais incontournables pour les écuries!”
Milieu naturel par excellence, la verte prairie – tantôt herbeuse, tantôt boueuse – constitue enfin les quartiers d’hiver et d’été de nombreux équidés, en complément ou non d’une structure concomitante. “Les abris de prairie sont de plus en plus populaires, quel que soit le public acheteur”, reprend en conclusion Grégory Rulquin, dirigeant de la société vosgienne Cheval Liberté. “Les particuliers veulent héberger leurs chevaux dans leurs pâtures et les professionnels apprécient la possibilité de laisser le cheval dehors en toute saison. Les abris qui incluent un espace pour le foin – rapide à remplir et sécuritaire – sont particulièrement plébiscités car le nourrissage est souvent le problème numéro un au pré. Dans la même veine, certains abris peuvent se transformer en boxes transitoires via une barrière: placer le cheval à l’abri et en détention sans passer par une attache en attendant le vétérinaire ou le maréchal-ferrant ou, plus quotidiennement, pouvoir ainsi donner à manger des concentrés et faire des soins; les possibilités sont nombreuses. Tous nos abris sont garantis dix ans, qu’ils soient destinés aux particuliers ou aux professionnels, mais ces derniers tablent souvent sur des épaisseurs de bois plus importantes afin d’avoir une résistance accrue face à un grand nombre de chevaux.”
Cet article est paru dans le dernier numéro du magazine GRANDPRIX.