Ostéopathe équin, un métier en vogue
Parmi les filières en devenir, le métier d’ostéopathe équin a le vent en poupe. S’il existe depuis plusieurs décennies, celui-ci a eu du mal à se faire valoir, du fait d’un manque de réglementation. Aujourd’hui parfaitement cadré, tant en termes de formation, grâce à des écoles reconnues, que de réglementation, il vient compléter les actions des vétérinaires et des maréchaux en participant activement au bien-être locomoteur du cheval, de plus en plus recherché par les propriétaires d’équidés.
L'ostéopathie animale, discipline très en vogue depuis quelques années déjà, consiste à trouver la cause de l’inconfort et du trouble de l’animal, et constitue une profession en pleine expansion. Ceci est notamment dû au fait que les propriétaires d’équidés accordent de plus en plus d’importance au bien-être animal, et sont de plus en plus nombreux à se tourner vers des pratiques naturelles, douces et manuelles. “Ce sont des manipulations ayant pour seul but de prévenir ou de traiter des troubles fonctionnels du corps de l’animal, à l’exclusion des pathologies organiques qui nécessitent une intervention thérapeutique, médicale, chirurgicale, médicamenteuse ou par agents physiques. Ces manipulations sont musculo-squelettiques et myofasciales, exclusivement manuelles et externes. Pour la prise en charge de ces troubles fonctionnels, les personnes réalisant des actes d’ostéopathie animale effectuent des actes de manipulations et mobilisations non instrumentales, directes et indirectes, non forcées”, définit plus précisément l’Ordre national des vétérinaires.
L’ostéopathe peut proposer ses services pour tous les animaux tels que les chiens, les chats et les bovins, ou être spécialiste équin, donc exclusivement dédié au cheval. Il peut intervenir sur des animaux de compagnie, de sport, d’âge ou jeunes en pleine croissance, dans des structures agricoles ou sportives, chez des particuliers, dans des parcs animaliers ou des refuges. Pratique manuelle douce, l’ostéopathie équine permet de détecter, de prévenir et de traiter les difficultés de mobilité ou des troubles fonctionnels divers afin de mieux appréhender les contraintes d’efforts propres aux chevaux et celles liées à l’équipement équestre. Elle aide notamment à améliorer la mobilité dorsale et la locomotion du cheval. Capable de prévenir et de traiter les troubles fonctionnels du cheval, l’ostéopathe équin peut aussi bien agir à titre préventif que curatif auprès de l’animal. “Je définis l’ostéopathe comme un thérapeute qui travaille sur des dysfonctions survenues suite à des phénomènes extérieurs défavorables”, explique Natacha Berthon, directrice générale adjointe de l’École européenne d’ostéopathie animale (ESAO). “Le métier d’ostéopathe équin existe depuis longtemps, mais il a pâti d’un manque de reconnaissance dû à une absence de réglementation. Les gens sont moins frileux, et on constate un véritable engouement pour ce métier, tant de la part des aspirants ostéopathes que des clients, depuis qu’il a été officiellement reconnu en 2011, ce à quoi se sont rajoutés dès 2017 des décrets impliquant qu’un ostéopathe pour animaux doive être inscrit auprès de l’Ordre des vétérinaires pour faire valoir ses capacités à pratiquer. Il y a eu une véritable légitimation. Aujourd’hui, la demande de la clientèle est devenue supérieure à l’offre en place; en bref, il n’y a pas assez d’ostéopathes, et ceux en activité sont débordés!”
Comment procède concrètement un ostéopathe équin?
Le praticien exerce en majorité en libéral et se déplace pour ses consultations à l’endroit où stationnent les animaux. Une consultation est en moyenne facturée 80 euros, somme à laquelle se rajoutent les frais de déplacement. L’ostéopathe équin doit parfaitement connaître l’anatomie animale et disposer de solides connaissances comportementales, chimiques, physiques et biologiques. Il faut également savoir faire preuve de sensibilité, d’empathie, de patience et de rigueur, et pouvoir évaluer une situation clinique en prenant en compte l’animal dans sa globalité. Il établit ensuite un diagnostic ostéopathique, avant de déterminer et de mettre en place les manipulations ostéopathiques adaptées. Il est en mesure d’identifier les cas devant être pris en charge par un vétérinaire en priorité. Son champ d’action est vaste puisqu’il intervient, par exemple, pour le suivi sportif du cheval, en cas de baisse de tonus et des performances, ou de douleurs constatées par le cavalier; en cas de problème de mobilité (douleurs dorsales, raideurs, asymétrie...); en complément de la médecine vétérinaire classique, en aidant à rétablir l’équilibre organique du cheval, pour soulager les pathologies organiques chroniques (troubles digestifs ou problèmes respiratoires); après une chute ou un choc ayant provoqué un problème traumatique; lors de poulinages, afin de rééquilibrer rapidement les chocs corporels éventuellement subis par la jument ou le foal au moment de la mise bas; en cas de problèmes liés au comportement, car un cheval souffrant de troubles comportementaux exprime souvent ainsi sa douleur ou sa gêne.
Des formations désormais reconnues
L’ostéopathie animale est reconnue officiellement en France depuis le 23 juillet 2011. Il existe désormais des diplômes spécifiques pour devenir ostéopathe pour animaux et notamment équin. En France, on peut citer deux écoles historiques certifiées Qualiopi, inscrites au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), déclarées auprès du ministère de l’Enseignement supérieur et délivrant un diplôme reconnu par l’État: l’ESAO et Biopraxia. Tout praticien en ostéopathie animale doit figurer sur la liste de l’Ordre des vétérinaires. Pour ce faire, il faut réussir l’épreuve d’aptitude organisée par ce dernier, qui comprend une épreuve théorique écrite et une épreuve pratique. Pour s’y présenter, il faut justifier de cinq ans d’enseignement dans le supérieur. Différents parcours de formation existent selon que l’on soit étudiant ou déjà en activité. Ainsi, la formation initiale s’adresse aux étudiants ayant obtenu leur bac et souhaitant poursuivre leurs études. La formation continue, qui va de trois à cinq ans, s’adresse aux personnes souhaitant se reconvertir et pour les étudiants de niveau bac+2. Il existe aussi la formation professionnelle continue.
Lors de ces cursus, les élèves sont formés aux manipulations visant à prévenir ou traiter des troubles fonctionnels chez l’animal. En plus d’apprendre les techniques de manipulation de l’animal, ils acquièrent des connaissances en physiologie de l’animal, anatomie, pathologies, éthologie, angiologie, parasitologie, alimentation, pharmacologie, imagerie médicale, toxicologie vétérinaire, etc. L’enseignement se divise entre contenus théoriques et pratiques. “Nous acceptons les élèves quel que soit l’horizon dont ils proviennent, tant qu’ils sont véritablement motivés et mus par une réelle envie de soigner”, affirme Natacha Berthon. “Toutefois, un bagage scientifique, ou du moins des connaissances dans le milieu animal sont bienvenues. Il faut beaucoup de passion et d’humilité pour exercer ce métier, car il est plutôt physique et s’améliore avec l’expérience. J’aime à dire qu’il faut toute une vie pour devenir un bon ostéopathe!”
Une évolution positive de la profession, selon l'ostéopathe Laura Maugenest
“À environ treize ans, je voyais déjà mon avenir avec les chevaux”, raconte Laura Maugenest, dont le parcours l’a menée à devenir ostéopathe équin. “J’adorais les masser, les détendre, passer du temps avec eux et être à l’extérieur. Puis je me suis renseignée sur les métiers associés aux animaux, comme vétérinaire, cavalier professionnel, éleveur ou soigneur animalier, et j’ai découvert l’existence du métier d’ostéopathe animalier à la suite de plusieurs lectures de magazines équestres. C’est apparu comme une évidence! Après un bac scientifique, j’ai intégré l’École européenne d’ostéopathie animale. J’ai ensuite accumulé de l’expérience en travaillant dans diverses structures, notamment chez Philippe Mortagne, qui dirige une écurie de Trotteurs. Ayant bien connu Dominique Gignaux, (précurseur de l’ostéopathie dans le domaine vétérinaire, ndlr), il m’a partagé la passion et la vision de ce dernier durant plusieurs années. J’ai peu à peu développé un réseau de clients avec Yannick Alain Briand, David Cinier, Laurent et Émile Gout, Christopher Haret, William Baudy et bien d’autres. Le fait de travailler avec tous ces professionnels m’a vraiment apporté de l’expérience puisque je pouvais discuter avec des vétérinaires, des maréchaux et des soigneurs. Je pouvais voir directement le résultat des consultations de l’extérieur, mais également de l’intérieur des écuries. Voir ce qui fonctionnait, ce qui ne fonctionnait pas, comment adapter son discours à des professionnels qui n’étaient pas à la base spécialement ouverts à l’ostéopathie... En étant immergée, j’ai vu beaucoup de chevaux avec des pathologies ou des accidents de sportifs, ce qui m’a vraiment apporté. Je pense que c’est l’un des atouts majeurs de ma pratique. Ensuite, il faut quand même continuer à s’instruire et à se former, donc je fais des stages une ou deux fois par an, et je lis des livres d’anatomie et de méthodes d’entraînement.”
Du côté de son planning, l’ostéopathe a trouvé son rythme de croisière, profitant d’une certaine liberté d’action. “J’exerce en libéral. Mes clients m’indiquent leurs coordonnées et leurs disponibilités, puis je compose une liste d’attente afin de les regrouper dans le même secteur. Au vu de la forte demande, j’ai d’ailleurs dû localiser ma zone de pratique, car je souhaitais notamment avoir une vie de famille en parallèle.”
Quant à l’évolution de la profession, Laura Maugenest la juge très positive. “Des démarches ont été initiées afin de poser un cadre à la pratique et d’offrir aux ostéopathes des formations continues. La durée minimale des études a été portée à cinq ans au lieu de trois. C’était nécessaire, car ce métier connaît des dérives: certains ostéopathes disent pratiquer leur métier à distance par téléphone, ou font naître des confusions entre soins énergétiques et véritable ostéopathie, conduisant à une méconnaissance de certaines branches, comme l’ostéopathie cranio-sacrée, par exemple. Jusqu’à récemment, une personne pouvait s’installer, même à l’issue d’un seul week-end de formation, car il n’y avait pas d’accès à la profession. Désormais, les actes ostéopathiques relèvent officiellement de la pratique vétérinaire, donc on ne peut plus les réaliser sous couvert de “thérapie manuelle” ou “soins énergétiques”. Il faut être reconnu ostéopathe, c’est-à-dire bénéficier d’une dérogation pour pratiquer ces actes vétérinaires.”
Quid des masseurs équins?
Partageant de nombreux points communs avec l’ostéopathe, puisqu’il permet d’agir sur le bien-être locomoteur et fonctionnel du cheval, le métier de masseur équin est également en plein essor. Là où l’ostéopathe va travailler de concert avec le vétérinaire et le maréchal, et délivrer des soins thérapeutiques, le masseur va exclusivement agir sur la physiologie du cheval dans l’idée de favoriser son bien-être et son confort au quotidien avec des actions de rééquilibrage corporel, détente musculaire, préparation sportive et récupération après un effort. Natacha Berthon abonde dans ce sens: “L’un n’empêche pas l’autre, bien au contraire. Le métier de masseur survient en complément de celui d’ostéopathe.” Coline Bayle, instructrice, cavalière professionnelle et gérante d’un centre équestre dans le Lot, témoigne: “Plus je prends de l’expérience, plus je suis curieuse du fonctionnement des chevaux. J’ai opté pour une formation de masseuse à l’Institut de formation en thérapie manuelle animale car je désirais être capable d’agir sur le bien-être des chevaux. J’aime l’idée d’assimiler une séance de massage à un spa: on agit au niveau du bien-être immédiat et de la décontraction, et en complément d’actes ostéopathiques. D’ailleurs, je continue à montrer mes chevaux à des ostéopathes et de le conseiller à mes clients. Il y a de la place pour tous les métiers dans le bien-être équin! J’ai de bons retours des cavaliers, qui disent sentir une véritable amélioration dans la locomotion et la disponibilité de leurs montures. Certains chevaux que je suis ont une évolution incroyable: petit à petit, il y a de moins en moins de tensions musculaires, et ils acceptent mieux la manipulation car ils savent qu’il s’agit d’un moment agréable. Être moi-même cavalière me permet de tenir un discours technique avec les propriétaires: je connais les sensations dont ils me parlent, donc je peux leur expliquer pourquoi ils rencontrent des problèmes sur certains mouvements en leur montrant quels muscles sont en lésions et quels blocages d’un point de vue biomécanique se créent. Ensuite, nous pouvons discuter des exercices spécifiques à mettre en place pour que le cheval améliore l’utilisation de son corps. Cela me permet de combiner mes deux métiers, et c’est génial!”
Cet article est paru dans le dernier numéro du magazine GRANDPRIX.