Drôles de finales, de fête et de monde d’après…

Du 6 au 10 avril, Leipzig accueille les finales de quatre Coupes du monde : jumping, dressage, attelage et voltige. Célébrer quatre finales sous un même toit, plus aucun organisateur n’avait relevé ce défi depuis ceux de… Leipzig en 2011. On ne peut que s’en réjouir, après deux éditions annulées, mais bien des éléments semblent de nature à ternir le retour de ce sommet printanier.



Du 6 au 10 avril, Leipzig accueille les finales de quatre Coupes du monde. Pour le croire, il faut se pincer… ou se le répéter : durant cinq jours, Partner Pferd, le célèbre salon du cheval organisé dans la huitième ville d’Allemagne va réunir en indoor la crème du jumping, du dressage, de l’attelage et de la voltige. Chouette, non ? Célébrer quatre finales sous un même toit, plus aucun organisateur n’avait relevé ce défi depuis ceux de… Leipzig en 2011. En revanche, le monde équestre s’était habitué de longue date à célébrer de concert les épilogues des Coupes du monde Longines de saut d’obstacles et FEI de dressage. S’était, car en 2020 et 2021, l’infâme pandémie de Covid-19 et l’effroyable épizootie d’herpèsvirose équine de type 1 sont passées par là, balayant les événements mis sur pied à Las Vegas et Göteborg par des promoteurs solides et chevronnés. Si les meneurs d’attelages à quatre chevaux attendent le retour de leur sommet intérieur depuis le CAI-W de Bordeaux, en février 2020, les voltigeurs se languissent depuis le CVI-W de Saumur, en avril 2019. C’est dire l’ampleur de la fête qui se prépare outre-Rhin. Pourtant, bien des éléments semblent de nature à ternir le retour de ce sommet printanier.



Comment faire abstraction de la guerre que mène l’armée russe en Ukraine, à l’entrée est de l’Europe, ce Vieux Continent que l’on croyait apaisé pour toujours ? Modestes nations équestres, l’Ukraine, la Russie et la Biélorussie, pays dont le régime est complice de celui de Vladimir Poutine, ne comptaient aucun cavalier, meneur ou voltigeur qualifié pour ces finales. Personne n’a donc été contraint d’y renoncer, contrairement à tant d’athlètes et équipes absents d’autres grands rendez-vous sportifs. Cependant, Leipzig se situe à moins de mille kilomètres de Lviv, grande ville de l’ouest ukrainien. Alors oui, il faut bien continuer à vivre, et le sport, fort de toute sa symbolique, doit jouer son rôle diplomatique, mais rien ne couvre le bruit des bombes en ce monde d’après si angoissant…



En France, le 10 avril sera aussi un dimanche électoral, consacré au premier tour de la présidentielle. La ligne d’arrivée d’une campagne escamotée tant par ce conflit armé que par une crise sanitaire pas vraiment finie, après avoir été prise en otage des mois durant par des mots, des idées et des raisonnements d’une autre époque, qui mena au pire : la Seconde Guerre mondiale. Il appartient à chaque électeur de s’exprimer – ou pas, c’est son droit – en son âme et conscience. Le programme des retransmissions des finales de Leipzig le permettra sans aucun doute. Quoi qu’il en soit, lors de ce scrutin suprême, ni les propositions concernant le sport ni la place du cheval, au sens le plus large du terme, dans notre société ne permettront de distinguer franchement tel ou tel des douze candidats en lice. Et pour cause, malgré l’approche des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, ces thèmes comptent parmi les grands absents de la campagne. Peut-être le mouvement sportif et le monde équin se portent-ils suffisamment bien pour qu’on ne se penche pas à leur chevet ? À moins que les offres politiques ne se concentrent plutôt sur des questions électoralement plus rentables ?



Pour en revenir à Leipzig, sportivement parlant, les fans de saut d’obstacles devront se contenter d’un plateau où de nombreuses stars manqueront à l’appel : les Suédois Peder Fredricson, Henrik von Eckermann et Malin Baryard-Johnsson, sacrés champions olympiques par équipes l’été dernier à Tokyo, le Britannique Ben Maher, couronné en individuel au Japon, et le Néerlandais Maikel van der Vleuten, médaillé de bronze, mais aussi l’Allemand Daniel Deusser, le Brésilien Marlon Módolo Zanotelli, le Britannique Scott Brash, l’Américain Kent Farrington, le Belge Jérôme Guéry, l’Israélien Daniel Bluman, les Irlandais Darragh Kenny et Shane Sweetnam ou encore l’Égyptien Nayel Nassar, sans oublier les Français Julien Épaillard, Simon Delestre et Kevin Staut. Et l’on arrête ce décompte qu’au top vingt-cinq du classement mondial Longines… Si, comme toujours, certains qualifiés ont renoncé à la finale en raison de l’impossibilité d’engager le cheval sur lequel il misait, à l’instar de Julien et Simon, la majorité des champions cités n’ont tout simplement pas obtenu leur ticket.



Rappelons que la sixième vague de Covid, provoquée par le variant Omicron, a mis un terme à la ligue qualificative d’Europe occidentale, réduite plus que de moitié, dès le mois de décembre, et plus ou moins perturbé toutes les autres. Bien que nul ne soit à blâmer pour cela et que l’on se réjouisse à l’idée de découvrir une ribambelle de nouveaux visages, il faut bien reconnaître que le circuit de qualification n’a pas garanti des conditions équitables à tous les cavaliers concernés. Ainsi, en octobre et novembre, nombre de champions sus-listés étaient fortement engagés dans les Global Champions Tour et League, qui battaient encore son plein. Au terme d’une saison extérieure exceptionnelle où se sont succédé en quelques semaines les JO, les championnats d’Europe Longines de Riesenbeck et les superbes CSIO 5* de Calgary, Aix-la-Chapelle et Barcelone, hôte de la finale mondiale du circuit Longines des Coupes des nations, même les plus puissantes écuries ont dû faire des choix… et ont souvent reporté leur entrée en Coupe du monde.



Au-delà du caractère anormal de 2021, on peut s’interroger sur la programmation de ce joyau historique de la Fédération équestre internationale. S’agissant d’une série automnale et hivernale, impliquant surtout l’hémisphère nord, il apparaît juste de lancer mi-octobre les ligues d’Europe occidentale et d’Amérique du Nord, celle-ci ayant débuté dès fin septembre l’an passé. Et s’agissant d’un événement indoor, la finale, eu égard aux réalités climatiques, au développement des autres compétitions et aux attentes du public, devrait se tenir en mars. Avancer cette échéance de deux ou trois semaines ferait sens à Leipzig, Göteborg, Paris et Bordeaux, où les organisateurs de l’historique Jumping le réclament à la FEI avant de se projeter, mais aussi à Omaha et Riyad, où se tiendront les finales en 2023 et 2024, de même qu’à Las Vegas. Cela ne résoudrait pas tous les épineux problèmes de calendrier, mais redonnerait de l’éclat à un rendez-vous qui en a bien besoin.