Herning 2022, plus terne que brillant

Si le professionnalisme des organisateurs, épaulés par moult bénévoles, a fait l’unanimité concernant la tenue des épreuves et l’accueil des chevaux et cavaliers, les championnats du monde de Herning ne resteront pas dans l’histoire pour l’ambiance générale, plutôt morne, faute notamment de public dans les tribunes. Il y a neuf ans, le constat avait été le même à l’issue des championnats d’Europe de... Herning.



Organiser des championnats du monde d’équitation, a fortiori pluridisciplinaires, n’a rien d’une sinécure. On le sait de longue date, au moins depuis la naissance des Jeux équestres mondiaux (JEM), en 1990 à Stockholm. Pour des raisons financières ou logistiques, il y eut des défections et sauvetages de dernière minute en 1994, 1998 et 2018, où les Jeux se sont finalement tenus à La Haye, Rome et Tryon. Il y eut des banqueroutes ou coups de grisou, en 1994 et en 2010 à Lexington. Et il y eut des éditions livrées comme prévu, avec plus ou moins de réussite: plutôt plus en 1990, 2002 à Jerez de la Frontera, 2006 à Aix-la-Chapelle et 2010, et un peu moins en 2014, cru lors duquel des problèmes de transport entre les sites avaient gâché l’expérience de nombreux spectateurs et le domaine du Haras du Pin n’avait pas été suffisamment préparé à recevoir la marée humaine attendue pour le cross-country du concours complet. 

L’édition 2018 avait atteint des sommets en matière d’amateurisme, avec des infrastructures en pleins travaux, y compris pendant les compétitions, une épreuve d’endurance annulée à mi-parcours et des tribunes désespérément vides à peu près tous les jours. La menace d’un ouragan, finalement déclassé en grosse perturbation à l’abord de Tryon, n’avait fait qu’accentuer ce constat. À la suite de ce fiasco, l’état-major de la Fédération équestre internationale, tel un chat échaudé craignant l’eau froide, avait décidé de mettre en sommeil le concept des JEM et d’offrir aux aspirants organisateurs la possibilité de ne candidater que pour les championnats qui leur faisaient envie et qu’ils se sentaient capables d’accueillir. 

Pour 2022, seules les fédérations saoudienne et italienne avaient proposé des projets intégraux. Celui de la Botte s’appuyait sur trois sites: Pratoni del Vivaro, à trente-cinq kilomètres au sud de Rome, pour le complet et l’attelage à quatre chevaux, Isola della Scala, près de Vérone, pour l’endurance, et le complexe de Bracciano, à quarante kilomètres au nord-ouest de la Ville éternelle, pour le saut d’obstacles, le dressage, la voltige et le para-dressage. Sublime sur le papier, ce dossier comportait toutefois des risques logistiques liés aux distances entre ces trois lieux, pour ne pas dire cinq puisque les Transalpins imaginaient une ouverture au Colisée de Rome et une clôture dans les arènes de Vérone, deux joyaux de leur patrimoine architectural. Fin 2019, le conseil d’administration de la FEI avait joué la sécurité et misé sur l’expérience, attribuant les Mondiaux de complet et d’attelage à Pratoni, où le savoir-faire local est éprouvé chaque année, et ceux de voltige, saut, dressage et para à Herning, qui avait reçu les Européens des trois dernières disciplines citées en 2013, ainsi que des étapes de la Coupe du monde de dressage. Ceux d’endurance ont été alloués plus tard à Isola della Scala, où les épreuves disputées depuis 2018 ont été jugées convaincantes (ce qui a toutefois été contesté voici quelques jours par la FEI elle-même, ndlr).



“On regrettera toutefois les cafouillages du prestataire allemand chargé du chronométrage”

C’est donc au Danemark que la série des championnats du monde 2022 a débuté, du 6 au 14 août. Là-bas, le professionnalisme des organisateurs, épaulés par moult bénévoles, a fait l’unanimité concernant la tenue des épreuves et l’accueil des chevaux et cavaliers. On regrettera toutefois les cafouillages du prestataire allemand chargé du chronométrage. Au cours de la Chasse, il s’est montré incapable d’établir un classement provisoire des équipes de saut d’obstacles, alors qu’il suffisait de cumuler les temps des couples de chaque nation, comme on additionne les scores dans une Coupe des nations... Et durant la finale par équipes, le suivi du classement n’était guère possible qu’en faisant les comptes soi-même. Cette épreuve, ses protagonistes et surtout son public, sur place et derrière les écrans, méritait franchement mieux... Les remises des prix auraient gagné à être plus soignées, de même que le parc d’obstacles, très banal. On saluera la mise en avant des grooms, à travers des animations vidéo chiadées valorisant le trio formé par le cheval, le cavalier et le soigneur, mais on déplorera l’absence de distinction des propriétaires, ainsi que la disparition des éleveurs des listes de départs et feuilles de résultats. 

Par perfectionnisme, peut-être, et passion sans borne pour ces grands rendez-vous qui font l’histoire de l’équitation, sans aucun doute, on aurait aimé que le parcours de la Chasse soit un peu plus original et comporte des options, que celui de la finale par équipes, où l’on n’a compté que huit sans-faute sur soixante concurrents, soit un chouïa moins difficile, et que celui de la première manche de la finale individuelle, dont quatorze des vingt et un couples en lice sont sortis sans pénalité, soit plus sélectif. Pourquoi le Néerlandais Louis Konickx ne s’en est-il pas tenu à la traditionnelle progressivité du niveau des épreuves permettant d’écrémer le plateau de couples de façon juste et raisonnée, tout en maintenant le public en haleine? 

Et plus que tout, enfin, on aurait aimé voir des tribunes remplies, au moins pour les épreuves à médailles. Or l’arène MCH, qui compte un peu moins de 12 000 places, n’a affiché complet que pour la Reprise Libre en Musique de dressage. Les Danois ont littéralement boudé le saut d’obstacles... comme lors des Européens il y a neuf ans. Fort heureusement, les supporters suédois, venus en voisins assister aux nouveaux triomphe de leurs héros, ont nourri l’ambiance et un peu réveillé cet événement assez terne. Quant à la très belle halle polyvalente, élégamment aménagée en amphithéâtre pour les épreuves de voltige, ses quelques milliers de siège n’ont jamais été occupés à plus de 50%. Les très bonnes performances des locaux n’ont pas suffi à créer l’engouement. De même, malgré un aménagement élégant, le village commercial n’a vraisemblablement pas non plus rencontré le succès escompté, au grand dam des exposants, venus du monde entier participer à une fête qui n’a jamais vraiment commencé. 

En 2013, le constat avait été identique. Et pour cause, Herning compte un peu moins de 90000 habitants, n’est pas reliée directement en transports en commun à l’aéroport de Billund, distant de soixante kilomètres, et ses capacités hôtelières demeurent très faibles. Quasiment tous les hébergements situés dans les cinquante kilomètres alentours ont accueilli les seuls accrédités, et l’ouverture d’un immense camping derrière les écuries n’a évidemment pas suffi. Dans ces conditions, il était irréaliste de prétendre vouloir accueillir des fans du monde entier. Les organisateurs et la FEI ne pouvaient l’ignorer. Copenhague, capitale danoise, aurait été un meilleur choix à bien des égards. Qu’en sera-t-il en 2026? Le mystère est total.

Cet article est l’éditorial du numéro de septembre du magazine GRANDPRIX, ne kiosques depuis quelques jours.