Erasmus séduit les jeunes en formation dans le monde équestre

Si le nom Erasmus est encore trop souvent associé au milieu étudiant, la réalité du programme Erasmus+ est aujourd’hui bien plus large. Les établissements de l’enseignement agricole s’en emparent et ces opportunités rencontrent de plus en plus de succès chez les élèves du secteur. Grâce aux financements du programme, ils ont l’opportunité d’aller compléter leur formation à l’étranger à moindre coût. Plus de 6 000 élèves de l’enseignement agricole partent chaque année en mobilité de stage avec une bourse et un accompagnement Erasmus+. Chaque année depuis 2019, la MFR de Beauregard envoie des élèves de bac pro en Irlande, afin qu’ils puissent engranger de l’expérience à l’étranger. Mila, étudiante à la MFR et bénéficiaire du programme, et Laurence, sa formatrice, témoignent.



Erasmus + est un programme européen pour l'éducation, la formation, la jeunesse et le sport qui soutient financièrement une large gamme d’actions et d’activités dont, notamment, des programmes d’échanges à destination des élèves de l’enseignement agricole. Ainsi, près de sept-cents établissements du secteur, comme les lycées agricoles ou les Maisons familiales rurales (MFR), participent au programme Erasmus+. À la MFR de Beauregard, située à Clairefontaine, dans l’Aine, un groupe de dix étudiants a pu bénéficier de subventions du programme pour aller en Irlande en début d’année scolaire. Ces jeunes sont partis deux à quatre semaines pour engranger de l’expérience auprès de professionnels, cavaliers et éleveurs irlandais, répartis dans les différentes structures en fonction de leurs compétences, affinités et niveau en équitation.  

Après plusieurs semaines d’hésitation, Mila a finalement décidé de sauter le pas et s’est laissée porter par l’aventure : partir quatre semaines chez un cavalier irlandais. Si elle n’était au départ pas certaine de vouloir partir aussi loin de chez elle pour plusieurs semaines, la jeune élève de terminale en bac pro Conduite et gestion de l’entreprise hippique (CGEH) ne regrette en aucun cas cette expérience. “Au début, je ne voulais pas partir, mais maintenant, je ne pourrais même pas m’imaginer de ne pas l’avoir fait”, explique la jeune femme. Logée avec cinq autres élèves dans une famille d’accueil, Mila se rendait tous les jours avec une de ses camarades dans les écuries de Tadhg Beesher, cavalier d’obstacles spécialisé dans le commerce de jeunes chevaux. “Nous étions répartis par groupes de deux sur les différents lieux de stage. Pour ma part, j’étais avec une apprentie, qui n’était avec moi que durant les deux premières semaines”, raconte Mila. Chez son maître de stage, celle-ci a pu découvrir de nouvelles méthodes et évoluer au sein d’un environnement de travail différent de celui qu’elle cotoie en France. “Nous devions faire les boxes avant l’arrivée de Tadhg, vers dix heures. Dans la foulée, j’alternais durant la matinée entre m’occuper des chevaux qu’il montait, et manipuler les plus jeunes qui n’étaient pas encore débourrés. Je nourrissais ensuite les chevaux, avant de prendre une vrai pause déjeuner, puis de monter trois chevaux en moyenne l’après-midi”, décrit-elle.

Au-delà des compétences professionnelles, la jeune fille témoigne d’une expérience extrêmement enrichissante sur le plan personnel et linguistique. Si Mila avait toujours eu de bonnes bases en anglais, elle n’avait cependant jamais réellement eu l’occasion de pratiquer la langue et de mettre à profit le vocabulaire spécifique au monde équestre appris à l’école. “Au début, le contact était un peu difficile”, admet l’adolescente. “Il m’a fallu un temps d’adaptation, mais dès que je me suis retrouvée seule, j’ai été obligée de parler anglais et donc le contact s’est nettement amélioré”, reconnait-elle. Par ailleurs, Mila explique que cette expérience lui a permis de gagner en maturité et en confiance en elle. “Les professeurs nous ont soumis l’idée de partir un an à l’avance, histoire de bien nous laisser le temps de réfléchir”, précise-t-elle.  “Au début, je n’étais pas très partante car je suis plutôt casanière et que je trouvais que quatre semaines, c’était trop long, mais mes parents m’ont dit que je risquais de rater une expérience extraordinaire, d’autant que le coût était très avantageux. Je les ai écoutés, et maintenant, j’ai envie de repartir ! Cette expérience m’a permis de m’ouvrir aux gens, car avant, j’avais du mal à établir le contact social. Je me trouve beaucoup plus à l’aise et tout le monde dans mon entourage me le dit également”, observe Mila a posteriori.

La formatrice tient à ce que ses élèves travaillent au maximum leur anglais et qu’ils apprennent de nouvelles techniques à cheval et en tant que groom.

La formatrice tient à ce que ses élèves travaillent au maximum leur anglais et qu’ils apprennent de nouvelles techniques à cheval et en tant que groom.

© Goodluz/Shutterstock



“Chaque jeune a sa chance, il n’y a aucune discrimination sociale ou financière”

D’après Laurence Thomas, formatrice à la MFR de Beauregard et à l’initiative du projet, le chiffre de jeunes qui participent à l’Erasmus + est en augmentation. Les témoignages de ceux qui ont vécu l’expérience permet parfois à leurs camarades de prendre conscience des bénéfices que ce voyage représente. “Mila était la première à hésiter, mais ces quatre semaines l’ont totalement transformée”, explique la formatrice. “Elle qui était plutôt réservée, a dû cohabiter avec ses camarades, et veut désormais repartir. Elle devrait sûrement aller chez un cavalier à Wellington, aux États-Unis, cette fois-ci en Erasmus long. Le programme ne se limite pas aux compétences professionnelles, c’est aussi une expérience de vie. C’est la plus belle salle de cours du monde”, ajoute-t-elle.

L’enseignante précise également que ce séjour est possible même pour les apprentis sous contrat. En effet, la MFR sensibilise les employeurs avant même la signature des contrats sur la possibilité que l’élève parte à l’étranger pour une courte durée. Ainsi, ces jeunes peuvent profiter de l’expérience pendant deux semaines, dont une à cheval sur la durée des cours et l’autre sur la période en entreprise. À l’issue de leur expérience, une cérémonie est organisée pour que les jeunes reçoivent leurs Europass, qui attestent des compétences qu’ils ont acquis lors de leur Erasmus.  

La formatrice tient à ce que ses élèves travaillent au maximum leur anglais et qu’ils apprennent de nouvelles techniques à cheval et en tant que groom. “J’ai choisi l’Irlande car je souhaitais que les jeunes parlent anglais et avec le Brexit, aller au Royaume-Uni est devenu plus compliqué”, explique-t-elle. “Par ailleurs l’Irlande, comme l’Angleterre, est une terre de cheval. On y retrouve des valeurs fortes telles que le bien-être animal et le respect d’autrui. L’organisation du travail y est aussi différente, les Irlandais prennent plus le temps que les Français. Nous y avons aujourd’hui de très bons contacts avec les professionnels qui me demandent même parfois de leur envoyer d’anciens élèves pour les embaucher.”  Cette expérience est donc aussi un moyen pour ces jeunes de faciliter leur entrée sur le marché du travail une fois leur diplôme en poche.

“Bien que cela représente une grosse charge de travail administratif et d’accompagnement, cette expérience à l’étranger est non seulement très importante pour les jeunes mais nous permet également d’avoir un réseau solide dans le monde entier”, confie l’enseignante. Par ailleurs, les financements européens permettent une accessibilité à l’expérience pour tous, quel que soit le milieu social. En effet, le trajet est entièrement financé et chaque jeune reçoit une bourse pour la durée du séjour. Seule une participation de vingt euros par semaine est demandée à chaque élèves. “Chaque jeune à sa chance, il n’y a aucune discrimination sociale ou financière. C’est ce que prône le programme Erasmus”, précise la formatrice.

À l’occasion du Salon de l’agriculture de Paris, qui s’est tenu du 25 février au 5 mars, l’agence européenne, partenaire du Concours général agricole, a remis le prix Erasmus+ à l’équipe du Lycée agricole de Pau Montardon, dans les Pyrénées-Atlantiques. Ce prix a été décerné au dernier jour du salon, dans le cadre du Trophée International de l’Enseignement Agricole (TIEA). Cette récompense de 3 000€ permettra à l’établissement de mettre en œuvre des échanges et développer des partenariats européens.

 

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