“Qu’est-ce qu’un bon coach?”, Éric Louradour

Dans le nouvel épisode de sa chronique mensuelle, Éric Louradour se concentre le rôle du coach, “indispensable et très signifiant pour le futur de l’élève, particulièrement si celui-ci est jeune”. Selon le Français établi de longue date en Italie, “il existe deux types de coaches: celui qui peut vous aider à gagner en compétitions et celui qui peut réellement vous changer la vie. Quelle est la différence entre les deux? Y avait-il de meilleurs coaches dans le passé ou sont-ils plus nombreux aujourd’hui? N’est-on pas passé d’un maître trop autoritaire à un instructeur trop permissif?” Autant de questions auxquelles l’instructeur passionné apporte son éclairage.



 

Enfance, adolescence, âge adulte, vieillesse. On identifie aisément plusieurs phases de la vie, jalonnée d’étapes importantes comme la naissance, l’entrée à l’école, le départ du domicile familial, l’entrée dans la vie professionnelle, la parentalité, la retraite et l’inévitable mort... Chaque point de passage correspond à un changement modifiant la situation antérieure et débouchant sur une intégration, un nouvel état relativement stable… jusqu’à la prochaine transformation. Chaque étape comprend des crises qui signalent la transformation et le travail d’intégration. Tout événement est vécu subjectivement en fonction de la personnalité de chaque individu et de son histoire antérieure. Pour mieux franchir ces étapes, certaines personnes se font aider par un coach, un psychologue ou autre.

En sport, le coach joue un rôle important, indispensable et très signifiant pour le futur de l’élève, particulièrement si celui-ci est jeune. Selon moi, il existe deux types de coaches: celui qui peut vous aider à gagner en compétitions et celui qui peut réellement vous changer la vie. Quelle est la différence entre les deux? Un coach sportif est un professionnel du sport qui conçoit des programmes pour vous aider à développer vos performances physiques et techniques et à atteindre des objectifs spécifiques. Un bon coach est avant tout un guide, une référence, un modèle, une source d’inspiration, sur le plan sportif mais aussi sur les plans humain, social, intellectuel, etc. Son exemple est le meilleur des enseignements. Pour cela, cette personne doit être reconnue et appréciée pour ses compétences, ses aptitudes, son savoir, ses valeurs et son vécu, mais surtout sa capacité à adapter son approche et sa méthode en fonction de la personnalité de chaque élève. Il doit justifier de compétences sportives et pédagogiques, mais aussi de connaissances en philosophie et plus encore en psychologie. Ces dernières peuvent être le fruit d’études ou bien tirées de l’analyse de ses propres expériences, servie par sa sensibilité et son sens de l’observation.

Avec certains élèves, on s’exprimera d’une voix douce et établira un rapport sensible et délicat afin de leur apporter confiance, sérénité et détermination. Avec d’autres, en revanche, on n’hésitera pas à adopter une voix empreinte de force et de conviction, particulièrement dans certains moments d’opposition, de doute ou de contestation, pour provoquer une réaction, voire un “électrochoc” et les inciter à se dépasser et/ou à se transformer. Toutes ces variations, graduations ou provocations inciteront les élèves à travailler techniquement, physiquement, mentalement ou d’un point de vue comportemental, et à élever ou affiner leurs ambitions.



Y avait-t-il de meilleurs coaches dans le passé ou sont-ils plus nombreux aujourd’hui?

Jusque dans les années 1960 et 70, l’équitation était principalement enseignée par des militaires, qui se montraient souvent exigeants, autoritaires et intransigeants. Le maître-mot était la discipline et leurs disciples devaient faire preuve de beaucoup de courage, de motivation et de passion. Les leçons de mise en selle sans étriers ou de saut sans rênes, par exemple, étaient courantes. Seuls les élèves véritablement passionnés persévéraient, comprenant la valeur de leur rigueur. Même si l’enseignant était pointilleux, sévère et rigide, l’élève acceptait la discipline imposée, percevant que c’était avant tout pour son bien et celui de l’animal. On ne badine pas avec le bien-être animal et sa propre sécurité quand on pratique un sport comportant tant de risques. Avoir une bonne assiette est la clé pour éviter bien des chutes et des accidents. De ce fait, les maîtres étaient appréciés, respectés et même admirés ou idolâtrés. Plus que des enseignants sportifs, ils étaient des modèles de vie très charismatiques et inspirants. 

À cette époque, le cheminement vers l’obtention du diplôme d’instructeur était beaucoup plus long et difficile qu’aujourd’hui. De nos jours, vu la démocratisation de l’équitation, sur le marché très concurrentiel des sports et loisirs, et les évolutions sociétales aidant, les enseignants souhaitent que leurs élèves s’amusent et se fassent plaisir à cheval. On parle même d’enseignement ludique! L’enseignant, de premier niveau, est devenu un animateur qui s’impose ou s’oppose peu face à ces “clients”. De peur de les perdre, il abonde souvent dans leur sens au lieu de les éduquer et de les diriger sur la juste voie de la sagesse et une plus ample connaissance d’un animal à qui l’on doit plus que jamais le respect… Formés trop vite et de façon trop simplifiée, ces jeunes enseignants manquent malheureusement d’expérience et de connaissances, tant et si bien qu’ils sont souvent pris en défaut. Certains de leurs propos ou comportements permettent à des clients de les mettre en doute, de les contredire, voire de leur manquer de respect.

Un édifice ne peut se construire que sur des fondations solides, au risque de s’avérer déséquilibré! Compte tenu des évolutions des règlements et des mœurs, les véritables Femmes et Hommes de cheval se font de plus en plus rares, le client devient difficilement gérable et l’enseignant est moins écouté ou respecté. C’est vraiment regrettable quand on prend conscience que la principale cause potentielle de mal-être animal est due à une mauvaise équitation elle-même liée à un manque de connaissances de l’animal, de justes méthodes de travail, de culture équestre, de discipline. Tout ce que l’on serait en droit d’attendre d’enseignants solides, charismatiques et respectables.



N’est-on pas passé d’un maître trop autoritaire à un instructeur trop permissif?

Il est important de savoir qu’inculquer la discipline dès le plus jeune âge contribue à mettre de l’ordre dans les différentes facettes de la vie d’une personne. Diverses études ont mis en évidence un lien positif entre la discipline chez les apprenants et leurs résultats scolaires, par exemple. Ces derniers s’améliorent avec l’augmentation du niveau de discipline. Parents, éducateurs, enseignants et coaches sont des piliers qui exercent une influence importante sur la formation des jeunes. Si l’on ne fait pas accepter un minimum de discipline dès l’enfance, on parviendra difficilement à une éducation de qualité ayant un impact complet sur l’élève. Discipliné à tous les niveaux, celui-ci est plus susceptible d’acquérir facilement les connaissances et compétences requises par sa pratique, car il sera concentré et motivé. Le but est l’autodiscipline, que l’apprenant devrait cultiver en se fixant des normes et en déterminant jusqu’où il peut aller. Ainsi, il s’efforcera d’être meilleur lorsqu’on le fera réfléchir à ce qui doit être amélioré.

La discipline doit être associée à un enseignement positif et non négatif! La pédagogie positive est une approche éducative qui met l’accent sur les forces et comportements positifs au lieu de se concentrer sur les erreurs ou défauts. C’est celle que je pratique avec mes chevaux depuis toujours. Elle m’a permis d’emmener tous les chevaux particuliers, difficiles ou rétifs que j’ai montés à leur plus haut niveau. Tout cela grâce à la “carotte” et non au “bâton”. Qu’il s’agisse d’un équidé ou d’un humain, particulièrement dans son jeune âge, un apprenant qui reçoit des compliments pour avoir bien appris ou exécuté quelque chose est bien plus susceptible d’obtenir de meilleurs résultats, de réussir et s’épanouir, qu’un autre qui serait puni pour ses mauvais résultats. Cependant, la discipline permet à tous de développer leurs responsabilités si l’on sait leur faire comprendre et apprécier leurs fautes.

Vous qui apprenez ou enseignez, soyez donc vigilant à ne pas attendre ou à ne pas parler que du positif sans jamais vouloir accepter ou affronter le négatif. Si un éducateur se contente de grands sourires et de beaux discours, sans jamais s’opposer à vous, apprenants, alors attention: peut-être vous vend-il du vent au risque de faire de vous des mécontents ou dissidents! Un rapport de confiance doit évidemment s’installer pour libérer la parole et l’échange et afin que l’élève puisse librement exprimer ses émotions, ses craintes ou ses frustrations, mais aussi ses capacités… sans jamais sortir d’un cadre fondé sur la discipline, le respect, la confiance, et l’engagement.

Comme en toute chose, l’équilibre et le juste milieu sont l’idéal, le nirvâna, le must du must! Souvent, on entend dire que l’élève doit trouver son maître. Il est vrai que certains apprenants ont besoin d’un déclic ou d’une figure charismatique pour s’ouvrir à l’apprentissage, grandir, mûrir, s’exprimer et se passionner. Comme je le dis souvent, l’exigence amène à l’excellence et les élèves ne pourront être que meilleurs si leurs professeurs et leur formation le sont également. Vivent les bons coaches. Je vous souhaite à toutes et à tous un merveilleux parcours d’équitation et de vie grâce à eux.



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