L’airbag gagne du terrain !

Équipement de protection individuelle, l’airbag d’équitation, petit frère de l’airbag pour moto, a longuement cheminé depuis son apparition sur le marché français en 2010. S’il est l’allié des compétiteurs professionnels et amateurs, il lui reste encore quelques esprits à conquérir. Sa récente norme de sécurité française, pionnière en Europe, changera-t-elle la donne?



ici au CHIO d’Aix-la-Chapelle sur Leone Jei, Martin Fuchs a été le premier cavalier à s’habiller d’un airbag dans un CSI 5*.

ici au CHIO d’Aix-la-Chapelle sur Leone Jei, Martin Fuchs a été le premier cavalier à s’habiller d’un airbag dans un CSI 5*.

© Dirk Caremans / Hippo Foto

Acheté majoritairement en sellerie et plus minoritairement en ligne, sur les salons ou d’occasion, l’airbag d’équitation habille plus de la moitié des lecteurs de GRANDPRIX, selon un récent sondage. Porté de manière visible, en dernière couche, camouflé dans un blouson adapté ou glissé sous une veste de concours adéquate, l’airbag séduit par sa légèreté, l’aisance qu’il permet et, bien sûr, par sa protection offerte, de la nuque jusqu’au coccyx. Cet équipement de sécurité, préservant le cavalier en se gonflant avant que celui-ci ne touche le sol lors d’une chute, et dont seul le cordon d’attache trahit parfois la présence, est-il solidement établi dans le monde du cheval?

Rapidement adopté par les compétiteurs complétistes amateurs et professionnels, puis par les cavaliers de saut d’obstacles amateurs, l’airbag a mis davantage de temps à percer le monde des compétiteurs de jumping de haut niveau. “L’ancien numéro un mondial, Martin Fuchs, a été le premier cavalier de niveau 5* à porter un airbag en compétition, en juillet 2019, à l’occasion du CSIO d’Aix-la-Chapelle (un modèle intégré à une veste de la marque Oscar & Gabrielle, marque rachetée au printemps de la même année par la société Freejumpsystem, ndlr)”, souligne Damien Aurenche, directeur commercial de la société équipementière Freejump, établie à Bordeaux depuis 2001 et présente sur le marché des airbags depuis 2019. “Les professionnels montent très bien, mais sont loin d’être à l’abri d’une chute! En outre, si cette dernière les blesse, leur activité professionnelle en pâtit sérieusement… C’est sans doute cet argument qui a fait mouche et qui a incité les professionnels du jumping à s’équiper de plus en plus au fil des ans. À ce jour, nous sommes le partenaire privilégié des professionnels du saut d’obstacles portant nos modèles d’airbags en compétition ou à l’entraînement, comme Martin Fuchs, Ashlee Bond, Eduardo Alvarez Aznar, la famille Philippaerts, Matt Williams, Geir Gulliksen, etc. Les volumes de vente vont croissant et nous sommes confiants en l’avenir: le port du gilet airbag va se généraliser de plus en plus au sein du milieu professionnel.”

Si les compétiteurs professionnels se sont ouverts au port de l’airbag, les professionnels non-compétiteurs (moniteurs, cavaliers professionnels maison, etc.) semblent moins réceptifs à cet équipement de sécurité. “Le marché professionnel du monde équestre est compliqué à pénétrer, car il est mal identifié”, analyse Stéphane Chapel, agent de développement de la marque française Segura Équitation, officiant dans ce secteur depuis 2018. “Notre société est initialement présente dans l’univers de la protection motocycliste (et même leader européen de ce secteur, ndlr), et les pratiques sont vraiment différentes de celles de l’équitation! Pourtant, les risques d’accidents graves ou mortels sont sensiblement identiques. Il y a encore peu de temps, beaucoup de professionnels étaient encore réticents au port du casque en toutes circonstances… Dès lors, il est difficile d’arriver avec un discours prônant le port d’un airbag! Je note toutefois que les moniteurs commencent doucement à s’équiper, à force de voir leurs élèves tomber avec un airbag et se relever sans blessure. Peut-être serait-il intéressant de renforcer la communication via des fédérations sur les risques inhérents à l’équitation, sans verser dans une propagande de la peur, comme les statistiques des chutes quel que soit le niveau de la personne, ou encore le rappel qu’un professionnel blessé est un professionnel à l’arrêt pour plusieurs semaines… Malheureusement, un gilet airbag reste coûteux à produire et donc cher à l’achat, ce qui est un frein pour beaucoup de professionnels et d’amateurs, nous en sommes conscients. À l’heure actuelle, les fabricants d’airbags ne peuvent pas drastiquement baisser les prix à cause du coût des matériaux et des frais de recherches et de tests. Ce n’est donc malheureusement pas du côté du prix que le marché va devoir évoluer, mais plutôt du côté des mentalités, notamment en intégrant le fait que le port d’un airbag chez les professionnels n’est pas un signe d’une faiblesse mentale ou sportive, mais plutôt le signe que l’on est tout simplement conscient des risques…”



Une norme de sécurité française pour les airbags, une première en Europe

En concours complet, le port d’un airbag est autorisé en complément d’un gilet de protection de niveau 3.

En concours complet, le port d’un airbag est autorisé en complément d’un gilet de protection de niveau 3.

© Jean van der Meulen / Pexels

Avancée dès 2021, la norme de sécurité française NF S72-800-2021 est désormais davantage globalisée en mars 2022 sous l’appellation NF S72-800-2022. “C’est une grande innovation, car cette norme est la première concernant la fabrication d’un airbag dans le cadre très spécifique de l’équitation”, introduit Lilian Sappey, fondateur et gérant de la société française fabricante d’airbags Kimee, sise en Isère. “Cette norme n’est pas obligatoire à ce jour, mais il se peut qu’elle le devienne et passe au niveau européen. Pour circuler en Europe, les airbags doivent toujours obtenir le marquage CE (Conformité Européenne)”. Le marquage CE sur un équipement de protection individuelle (EPI) s’obtient après examen via un référentiel spécifique établi par l’agence nationale de normalisation du pays en question. Dans le cas de la France, il s’agit de l’Agence française de normalisation, plus connue sous l’acronyme Afnor. “La réglementation entourant jusqu’ici les airbags d’équitation était surtout dérivée de celle de la moto, ce qui est dommage, car l’équitation a de nombreuses différences avec cette activité concernant les chocs et les écrasements”, poursuit Lilian Sappey. Cette norme change doucement le marché et incite les fabricants à produire de nouveaux airbags correspondant à cette dernière. “L’organisme certificateur français Alienor Certification nous a en effet accompagnés dans notre démarche de produire un airbag correspondant à cette nouvelle norme (la marque d’airbag Debon’R, de la société Kimee, ndlr) et c’est très motivant de voir que nos efforts ont abouti à un équipement de sécurité bien plus spécifique à l’équitation. Les tests sont vraiment très intéressants à voir: les airbags sont gonflés selon la pression recommandée par le fabricant, puis subissent de nombreux chocs à des endroits aléatoires cartouche, etc.. Au final, on analyse l’impact reçu par le cavalier et la quantité d’énergie absorbée par le gilet. Ces tests nous ont, par exemple, permis de renforcer la protection au niveau de la cartouche, qui dispose d’une plaque anti-enfoncement, et de permettre une plus grande continuité de protection, de la nuque au coccyx, en passant par le thorax et les hanches.”

À ce jour, seul le gilet de protection répondant à la norme européenne EN 13158 de niveau 3 est autorisé dans le cadre d’une protection obligatoire en compétition, notamment en concours complet. Pour les compétiteurs souhaitant ajouter la protection de leur gilet airbag, la seule solution était jusqu’ici de le superposer au gilet de protection, pour un effet multicouche pas toujours confortable. “Nous avons en effet pensé aux complétistes lorsque nous avons travaillé sur notre nouveau gilet airbag, mais il s’adresse également à tous les cavaliers souhaitant un niveau de protection extrêmement élevé”, appuie Damien Aurenche. Introduit sur le marché à l’occasion des championnats du monde de concours complet 2022 de Pratoni Del Vivaro, en septembre dernier, le gilet de protection Freejump X’Air Safe, intégrant l’airbag Freejump, a réussi à obtenir la double certification: la norme française S72-800-2022 de l’airbag et celle européenne du gilet de protection EN 13158 de niveau 3. “Nous avons fortement investi en recherche et développement afin de réussir à obtenir cette double certification, car cela représente une révolution dans ce secteur. Le fait de pouvoir s’appuyer sur des normes et des tests en laboratoire extérieur certifié nous a permis d’avancer des taux exacts de haute protection. À titre d’exemple, le X’Air Safe of-fre une protection huit fois supérieure à celle avancée par le port d’un gilet de cross de niveau 3, et une protection quatre fois supérieure à celle du port combiné d’un gilet de cross avec un airbag par-dessus. Nous sommes heureux de voir que de nombreux cavaliers professionnels l’ont déjà adopté, dont Nicolas Touzaint, Maxime Livio, Karim Laghouag, le numéro un mondial Tim Price, etc., et qu’ils se sentent très à l’aise dans leurs activités sportives.”



Expertise et marché d’occasion, pour une utilisation longue durée du gilet airbag

“Comme tout élément de sécurité, il est vital de vérifier régulièrement l’état général de son gilet airbag et ce, quelle que soit la fréquence de son utilisation”, rappelle Sébastien Bouillot, dirigeant de la société Hit-Air France, filiale parisienne de la marque japonaise Hit-Air, pionnière mondiale dans le secteur des airbags de moto et, depuis, leader sur le marché français des airbags d’équitation. “Notre service après-vente d’expertise et de réparation s’est adapté au fil du temps au volume croissant des ventes ; nous avons vu se développer en parallèle un second marché, où les ventes se font de particulier à particulier. En effet, de par sa réutilisation, les airbags Hit-Air disposent d’une longévité convenant aux clients en recherche de matériel d’occasion. Les gilets airbags de taille enfant sont logiquement les plus à même de se retrouver sur le marché de l’occasion, suite à la croissance du jeune cavalier. Nous avons également des clients arrêtant l’équitation et désirant vendre leur gilet. Dans tous les cas, un problème se pose lors de la revente: le gilet airbag est-il bien en mesure de remplir à 100 % son rôle protecteur, ou a-t-il subi des dommages?” Les acheteurs d’occasion demandent parfois aux vendeurs de faire fonctionner le gilet devant leurs yeux, quitte à payer la cartouche de gaz utilisée. C’est une bonne idée, mais insuffisante. Et quid de ceux qui achètent à distance, sans la possibilité de voir le gilet fonctionner et d’en vérifier le bon état général? “Trop souvent, nous avons rencontré des acheteurs ayant acquis des airbags d’occasion sans en connaître le réel état de marche ou n’ayant pas su réaliser l’analyse nécessaire – ce qui est parfaitement normal, puisqu’une expertise nécessite par là-même l’œil d’un expert qui saura vérifier les membranes, le boîtier, le percuteur, le réarmement de la cartouche, l’état des coutures, etc. Depuis 2021, afin de répondre à la demande croissante, nous avons rendu plus facile d’accès ce service d’expertise, pour tous ceux souhaitant avoir un avis professionnel sur leur gilet. Ce service est aujourd’hui directement accessible en ligne. En outre, si le client désire revendre son gilet, c’est toujours plus rassurant pour l’acheteur de savoir que le gilet a été contrôlé par Hit-Air et certifié comme pleinement fonctionnel”, conclut Sébastien Bouillot.