L’étrier de sécurité, en manque de reconnaissance?

Destiné à protéger le cavalier du risque d’être traîné lors d’une chute, l’étrier de sécurité est désormais bien établi sur les marchés français et européen. Entre tests à réaliser et normes de sécurité absentes, quelques acteurs du secteur ont accepté de faire le point sur l’état de santé de l’étrier dit de sécurité.



Cet article a été modifié le mardi 28 novembre 2023 à 12h05

Outre leur mécanisme d’éjection du pied, soit une branche externe qui s’ouvre ou un étrier se détachant de l’étrivière, les étriers dits de sécurité peuvent compter sur deux paramètres moins connus : leur équilibre et leur crantage. “Le poids, léger ou non, d’un étrier n’est pas vecteur de sécurité, c’est son équilibre qui l’est”, souligne Jérôme Delmerle, gérant de la marque Alfa Jump, présente en France depuis 1972. “Si la masse de l’étrier est trop axée vers le haut, celui-ci va voler et être difficile à rattraper en cas de déchaussage intempestif, avec la perte d’équilibre qui s’ensuit. Il est important que le centre de gravité soit au niveau du plancher. C’est d’ailleurs l’un des premiers points sur lequel nous avons travaillé lors de la conception de nos étriers.” Quid du crantage, ces petits picots qui apportent du grip à la botte ? “Le fort crantage d’un étrier ne risque en aucun cas de coller le pied au plancher”, rassure Jérôme Delmerle. “Il l’empêche plutôt de glisser vers l’avant et de se coincer. Avec un crantage, il est toujours possible de déchausser rapidement selon sa volonté ou lors d’un accident.” Passionnée de technologie et d’innovation, et animée par l’envie d’offrir des produits performants, Samshield a décidé de créer un étrier alliant à la fois sécurité, technicité, confort, performance et design : le Shield’Rup. “Lors de la conception du Shield’Rup, la mission était de créer un étrier alliant tous ces critères”, communique la marque. “Après des années d’études et de recherches, le Shield’Rup est le résultat de la fusion de ces exigences, enveloppé dans un design innovant. La branche latérale du Shield’Rup s’ouvre en cas de pression lors d’une chute. Le système de câble et de ressorts permet à la branche de s’ouvrir à 180 degrés et de retrouver systématiquement sa position initiale. Conçu en aluminium issu de l’aéronautique et avec un insert en acier, le Shield’Rup est très résistant, même lorsque la branche est ouverte.”



Une norme de sécurité réclamée par les fabricants

Il n’y a aucune norme régissant la fabrication des étriers de sécurité à ce jour. “La Fédération équestre internationale (FEI) a fait quelques réunions à ce sujet, mais ce dernier est encore loin d’être clos, ou même réellement débattu. L’étrier de sécurité est le seul produit à n’avoir aucune réglementation”, introduit Laurent Bordes, président et cofondateur de la société équipementière Flex-on, présente sur le marché des étriers depuis 2011 et de ceux de sécurité depuis 2018. “Certains autres sports, plus matures que l’équitation en termes de sécurité, ont des statistiques plus poussées”, éclaire Yan Fournier, directeur général de Rid’Up, présente en France depuis 2018. “C’est en analysant l’accidentologie d’un sport et les statistiques de chutes traînées, par exemple, que l’on pourrait se diriger vers la création d’une normalisation des étriers de sécurité, celle-ci consistant précisément à l’amélioration des statistiques de sécurité ; il faut pouvoir assurer notre crédibilité auprès des acheteurs ! Les fabricants ont tout intérêt à réclamer une norme, notamment pour écarter du marché les sociétés non sérieuses qui proposent des étriers engendrant des risques pour le cavalier, ainsi qu’une méfiance envers ce genre de produits.” À défaut de pouvoir s’appuyer sur une norme de sécurité réglementée, les fabricants se basent sur des tests effectués en interne, puis restent à l’étroite écoute de leurs clients. “Il n’y a pas de laboratoire dédié à ce genre de tests, donc il nous a fallu créer un protocole d’examen pour chaque étrier”, reprend Laurent Bordes, dont l’étrier de sécurité Safe-on propose une branche externe qui s’ouvre lorsque la force appuyée sur cette dernière dépasse un certain poids. “Dans notre cas, il fallait qu’il y ait une certaine résistance dans la zone de contact du pied, pour que la branche de l’étrier ne s’ouvre pas de manière intempestive. Déterminer la force minimum requise pour libérer le pied du cavalier, à partir du moment où il est traîné, nous a pris deux ans.” “ Les étriers Rid’Up obtiennent d’excellents retours des clients sur le déclenchement automatique lors de certaines chutes, mais nous aimerions que ceux-ci soient corroborés par un organisme de certification indépendant. Au final, tous les fabricants sérieux de produits de sécurité sont davantage partenaires que concurrents, car nous sensibilisons ensemble sur la protection du cavalier”, parachève Yan Fournier. En dépit d’une inexistante réglementation dédiée aux étriers de sécurité, notons tout de même l’interdiction de deux de ces derniers en compétition : l’un, aimanté, est interdit uniquement pour la discipline du dressage, quand l’autre, avec un large plancher et des lanières, l’est pour toutes les disciplines confondues. Précisons, à toutes fins utiles, qu’ils le sont parce que considérés comme du “dopage technologique” et absolument pas pour des raisons de sécurité.

 

Modèle Flex-on

Modèle Flex-on

© Flex-on



Les questions de la contrefaçon ou du low-cost

Un étrier de sécurité est onéreux à produire, et a donc un prix élevé, face à des consommateurs toujours plus en demande de volume et de baisse de prix… La situation du marché est propice à l’arrivée de produits à bas coûts qui, malheureusement, ne sont pas gages de qualité. “Un brevet est, hélas, facilement contournable et on note désormais l’arrivée de produits de basse qualité, voire des contrefaçons”, informe Laurent Bordes. “Ce genre d’usine ne s’attaque pas aux produits très techniques, mais nous devons rester vigilants et privilégier le “Fabriqué en France”. “Plusieurs étriers de sécurité ont été retirés du marché parce qu’ils n’ont pas trouvé leur public lancés trop tôt par exemple, à une époque où le marché était immature, ou parce que les retours du terrain n’ont pas été à la hauteur”, appuie Yan Fournier. “Les copies sont un réel problème, et une norme permettrait sans doute de les écarter du marché français.”



L'étrier de sécurité sur les marchés français et européens

Les amateurs et les cavaliers de club sont souvent les cœurs de cible des étriers de sécurité. Les professionnels en chaussent, mais c’est encore loin d’être la majorité. Habitude du cavalier, histoire de génération, impact culturel… Il y a sans doute plusieurs raisons à cela. Par exemple, nous notons que nos étriers classiques sont beaucoup plus sollicités à l’export, tandis que ceux de sécurité sont plus vendus en France”, souligne Jérôme Delmerle. “Tous les pays ne sont pas égaux en matière de prise en compte de la sécurité. Par exemple, la Scandinavie n’opte que pour des étriers de sécurité et est plus hermétique aux autres dits classiques”, poursuit Laurent Bordes. “En France, on peut noter que la diversité des airbags, et notamment leur intégration dans des vestes, vers 2016 (via la marque Oscar & Gabrielle), a boosté les ventes d’étriers de sécurité et donc leur diversité sur le marché, car les cavaliers ont été davantage sensibilisés aux risques d’accidents.” Pour Yan Fournier, les pays d’Europe du Nord sont plus sensibles à la notion de sécurité depuis plusieurs années : “L’Allemagne, la Suède, la Finlande, les Pays-Bas ou encore la Grande-Bretagne procèdent à des achats très orientés vers la sécurité, tandis que les pays latins tels que l’Italie, l’Espagne et le Portugal le font moins, par exemple. Mais cela évolue ! En France, de plus en plus de cavaliers s’orientent vers la sécurité, ce qui se reflète sur le marché.” Enfin, la personnalisation joue-t-elle sur l’achat d’étriers de sécurité ? “L’arrivée d’une large gamme de couleurs a été un vrai plus et la marque ayant initié cette mode (Freejump, également leader des étriers dits de sécurité avec sa gamme Soft’Up, et pionnière dans le domaine en proposant dès 2005 son modèle monobranche X’Up à déclenchement automatique en cas de chute) a ouvert la porte au reste du secteur”, reprend Laurent Bordes. “Nous avons aussi rapidement proposé une gamme étendue de personnalisations, mais je ne suis pas certain que cela soit un argument qui pèse lorsqu’il est question d’achat de sécurité, et heureusement d’ailleurs ! Les cavaliers de centres équestres sont, par exemple, majoritairement mineurs, et ce sont les parents qui procèdent aux achats, avec la seule idée en tête de protéger avant tout leurs enfants”, conclut le président de Flex-on, dont l’entreprise table actuellement sur la création de vestes airbags et de casques afin de proposer un ensemble complet d’équipements de sécurité.

Modèle Samshield

Modèle Samshield

© DR_Samshield