À chaque surface son usage

“Pas de pied, pas de cheval.” Ce vieil adage, connu de tous les cavaliers, rappelle l’importance de la santé et du bon fonctionnement des quatre pieds du cheval tant leur rôle est prépondérant, si ce n’est vital. Sollicités à chaque instant, aussi bien au repos qu’au travail, les pieds permettent à l’équidé de supporter tout le poids de son corps, d’amortir les chocs et de se propulser. La qualité du sol et son adéquation avec l’activité pratiquée et les modes de vie apparaissent alors comme primordiales en ce qu’elles conditionnent la bonne locomotion du cheval. À l’inverse, un sol inadapté ou mal entretenu peut occasionner des lésions ostéoarticulaires et tendineuses. En respectant quelques règles, il est possible de faire du sol un allié bien-être. Sans oublier, bien sûr, qu’un sol ne se limite pas aux aires d’évolution, et que celles de vie, de soin et de circulation doivent elles aussi faire l’objet des mêmes réflexions.



Penser ses sols, vaste sujet! Pour commencer, quelques rappels sur le combo gagnant: anticipation, composition et entretien. Concernant la préparation du terrain, avant même de s’interroger sur les qualités d’un sol, il est nécessaire d’organiser le chantier en amont afin de garantir la durabilité du revêtement choisi. En effet, tous les professionnels interrogés s’accordent à dire que la qualité d’un sol dépend aussi bien de sa préparation que de son entretien. Mal anticipé, un sol risque de ne pas répondre au maximum de ses capacités. “Ce qui est important, c’est d’avoir le bon produit, mais il ne faut pas négliger la pose en respectant les modalités d’installation pour la pérennité du produit dans le temps et une configuration optimale. Préparer son sol et intervenir au bon moment demande de l’anticipation mais garantit une satisfaction maximale”, explique Guillaume Derolez, président directeur général de Valinéo. Ce que rappelle également Charlotte Dumas Pivoteau, responsable communication et marketing d’Eco Végétal: “Le sol doit être bien préparé pour qu’il soit durable; c’est un prérequis indispensable. Pour certains produits, décaisser et poser un géotextile avant la pose permet d’avoir un sol durable qu’il n’est pas nécessaire de refaire tous les deux ans.”

Choisir des matériaux de qualité, se renseigner sur la composition et respecter une certaine granulométrie dans le cas d’une aire de travail permettent d’assurer un bon compromis entre stabilité, pouvoir abrasif et humidité. “Un sol de travail idéal est composé de sable, de fibre et d’un peu de paraffine. Un sable bien entretenu avec un bon niveau d’humidité n’exercera pas les mêmes contraintes qu’un sol trop dur ou trop profond, ce qui limitera les risques de blessures. Il faut tout d’abord un sol avec une bonne élasticité – c’est-à-dire une capacité à retrouver sa structure initiale ainsi que sa glissance horizontale –, et une vraie régularité, avec une qualité uniforme sur toute la surface. On considère que les meilleurs sols, ceux qui conservent leur structure le plus longtemps, disposent d’une certaine élasticité. Ils sont moins sujets au problème de perte d’humidité, car l’élasticité d’un sol, soit sa capacité à revenir à la normale, permet de maintenir la couche superficielle à un certain niveau d’humidité”, énonce le docteur Thomas Launois, vétérinaire spécialisé dans le cheval de sport et secrétaire de l’Association vétérinaire équine française (AVEF).



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Après la préparation et le choix du sol succède la problématique de l’entretien. Ce dernier, effectué régulièrement, permet de garantir son homogénéité et ainsi d’éviter les variations de texture et de profondeur pouvant occasionner blessures et traumatismes. “Si le sol est bon à l’origine, mais qu’il devient profond, faute d’entretien, cela risque d’engendrer de vraies blessures tendineuses. En effet, il demandera davantage de force musculaire pour se mouvoir, ce qui entraînera une fatigue accrue. Les tendons faisant l’interface entre le muscle et les os, ils seront davantage sollicités et donc plus sujets aux blessures. Un sable qui s’enfonce de dix centimètres ou plus augmente les risques d’atteinte des tendons et des ligaments. Lorsque le sol est vraiment profond, les risques de fracture de fatigue osseuse croissent, même du bassin, pour les chevaux de course, par exemple. Ce qui montre bien l’importance de l’entretien du sol”, estime le docteur Launois. L’observation du sol doit donc être un point de vigilance à ne pas négliger et il en va de la responsabilité de son utilisateur. “C’est en grande partie au client de gérer l’entretien de ses pistes, qu’il s’agisse de ramasser les crottins, passer la barre, irriguer ou encore faire en sorte que la matière végétale ne reprenne pas ses droits sur les pistes. En fonction de l’utilisation et de l’usure, nous préconisons une intervention tous les douze à dix-huit mois par un professionnel afin de remettre les sols en état, de recharger en sable si besoin et de reniveler”, indique Peggy Ibanez, responsable commerciale chez Concept Sol.

Choisir un sol adapté au travail et aux modes de vie des chevaux est un moyen de préserver leurs membres et plus largement leur santé. À la lumière de nouvelles découvertes, il apparaît même que le sol soit le paramètre prépondérant dans la prévention des blessures; de quoi se pencher sérieusement sur la question! “Les chevaux sont des athlètes à part entière. Contrairement à ce que l’on pensait avant, à savoir que la prévention des blessures était liée pour moitié à la ferrure et au sol, il est établi que le sol y intervient en fait à 80%. C’est énorme! Vous pouvez avoir la meilleure ferrure possible, le meilleur maréchal-ferrant, faire attention au poids de votre monture, ou organiser des examens locomoteurs réguliers avec votre vétérinaire: un mauvais sol annihile tout le reste puisqu’il intervient à 80%. Cette connaissance est une réelle progression dans la façon d’étudier la prévention des blessures. Au-delà de l’ennui pour un cheval à toujours travailler sur la même carrière, utiliser toujours le même sol implique une habituation du corps, le rendant enclin aux blessures, notamment en cas de changement brutal de sol”, insiste le vétérinaire.



Quel sol pour quelle partie de l’écurie?

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Après un bref tour d’horizon des attendus concernant un bon sol, il convient d’élargir le focal en s’interrogeant sur les différents sols qui jalonnent une écurie. En efet, la question ne se limite pas aux seules aires dites de travail ou d’évolution, mais concerne bien d’autres emplacements tels que les aires de circulation (allées, chemins, parking, etc.), de soin (douche, marcheur, solarium, etc.) ou encore de vie (boxes, stalles, paddocks, prés, etc.). “Chez Eco Végétal, nous proposons différentes dalles en fonction des applications. Ce ne sera pas la même pour un chemin emprunté par des piétons ou des chevaux – une dalle de trois ou quatre centimètres suffira –, ou pour un chemin utilisé pour le passage des engins agricoles, vans ou camions, pour lequel nous préconisons une dalle de cinq centimètres. Aussi, l’écologie est au cœur de notre politique, car il est indispensable de savoir gérer l’eau. Il faut des solutions d’infiltrations, ne pas mettre d’enrobés partout pour éviter que l’eau ne ruisselle sans infiltrer le sol, c’est-à-dire sans remplir les nappes phréatiques. L’objectif est de nous servir de nos connaissances sur l’eau pour l’appliquer au monde de l’équitation. Nous proposons des solutions pour les sols de détente (paddocks, abris, chemins, etc.), qui peuvent être boueux, et également pour les aires de travail (manège, carrière, rond de longe, etc.). Ce sont des problématiques différentes dans les deux cas, mais auxquelles nous savons répondre. Par exemple, pour les sols extérieurs, nous serons plutôt sur une problématique d’excès d’eau avec l’éternel paddock boueux en hiver. Nous proposons une dalle de stabilisation ‘ecoraste’, de forme alvéolaire à remplir”, explique Charlotte Dumas Pivoteau. Une offre plurielle, prenant en considération les différents types de sol, qui se retrouve également chez Concept Sol, constructeur proposant des projets clés en main. “Nous ne travaillons qu’avec du sable siliceux, fibré ou siliceux neutre pour les aires de travail. Concernant les sols des boxes et/ou des stalles, des paddocks ou de la douche, nous proposons également des caoutchoucs. Ils sont demandés par nos clients afin d’apporter davantage de confort à leurs chevaux. Concernant les allées de circulation, nous proposons la stabilisation du sol qui passe par un décaissement, la pose d’un géotextile et de matériaux réglés compactés. Nos clients peuvent ensuite choisir de mettre du béton, du pavé ou des dalles de caoutchouc”, indique Peggy Ibanez.

Les constructeurs semblent avoir bien compris la nécessité de s’adapter aux besoins des propriétaires, qui se soucient de la qualité de vie de leurs chevaux. En Normandie, la société Valinéo, certifiée EquoVadis, a fait le choix d’utiliser des granulés de plastique recyclé pour la fabrication de ses dalles, un procédé 100 % recyclable et écoresponsable: “L’avantage est que nous proposons un produit robuste et souple à la fois, permettant d’apporter du confort aux chevaux évoluant dessus. Nos dalles Valisol permettent de stabiliser les surfaces au niveau des passages difficiles en extérieur afin d’éviter les pieds dans la boue. Nos dalles sont en PVC souple recyclé, ce qui est un avantage, car le plastique utilisé habituellement est plutôt rigide. Pour des installations importantes, il faut que le terrain soit plat et bien préparé; cela permettra de garantir une longévité du produit plus importante. Nous avons également une gamme de dalles pensées pour des surfaces intérieures. Nous proposons, par exemple, des tapis pour des sols en béton offrant isolation et confort. C’est d’ailleurs une bonne alternative aux dalles en caoutchouc. Il existe également des dalles pleines permettant de stabiliser des sols non préparés en terre battue pour des salles couvertes. Ces dernières constituent une bonne alternative aux dalles de béton, qui peuvent être glissantes. Valisol Alvéole est notre produit phare. L’alvéole est à remplir de sable ou de terre, permettant un rendu naturel pour le cheval. Nous sommes une entreprise basée en Normandie 100% made in France proposant des produits 100 % recyclés. C’est une plus-value et une véritable fierté pour nous”, relate au même titre Guillaume Derolez.



En plus des considérations écologiques, les constructeurs prennent également fait et cause pour le bien-être animal en proposant une offre toujours plus variée, s’adressant aussi bien aux professionnels qu’aux particuliers. “Respecter le bien-être animal nous apparaît indispensable. Stabiliser les sols revêt des avantages pour les chevaux mais aussi pour les gens qui s’en occupent! Cela permet de ne plus faire marcher les équidés dans vingt ou trente centimètres de boue, ce qui peut occasionner des problèmes de pieds. D’ailleurs, il est possible de stabiliser tous les sols équestres, pas seulement les écuries. Un particulier propriétaire peut très bien l’effectuer sur un abri ou un chemin. Notre savoir-faire s’applique à toute solution d’hébergement pour les chevaux (pré, écu- rie active, piste, etc.). Il ne s’agit pas de tout stabiliser, car cela représenterait un budget réellement conséquent, mais il est possible de cibler des zones: autour du râtelier, d’un abreuvoir ou d’une entrée de paddock”, assure Charlotte Dumas Pivoteau.

“Pour les aires de vie, il est très important de prévoir un sol régulier, le moins glissant et le plus plat possible”, explique le docteur Thomas Launois. “Cela dépend aussi des territoires; en Belgique, aux Pays-Bas ou même dans certains coins de l’Angleterre, les allées sont souvent en briques et ne sont pas glissantes. En France, il y a surtout du béton, du goudron ou un aggloméré sableux. De façon générale, mieux vaut une certaine granulométrie pour éviter que les sols glissent – sans être irréguliers pour ne pas altérer les articulations. Il faut également être vigilant à ce que le sol soit plat, car une montée ou une descente brutale à la sortie du box avec un cheval non échauffé peut contraindre certaines structures tendineuses dans le pied ou les jarrets et être responsable à moyen et long termes de blessures chroniques. Les aires de circulation représentent un enjeu de sécurité majeure! La glissade est certainement le principal risque de blessure d’un animal en dehors d’une aire d’évolution, donc la surface doit répondre à un critère d’adhérence. Enfin, le sol doit être facile à nettoyer en raison des problèmes sanitaires potentiels. Quel que soit son profil, l’important est de bien l’entretenir.”



Quel sol de travail pour quelle discipline et quelle fréquence?

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Définir et identifier ses besoins selon son activité et les disciplines pratiquées permet de s’assurer d’un sol en adéquation avec son utilisation. En effet, ce dernier doit répondre à plusieurs exigences, dont la principale est de respecter l’appareil locomoteur du cheval. C’est ce que rappelle Peggy Ibanez: “Nous adaptons toujours nos surfaces en fonction de l’activité. En revanche, elles sont toujours dynamiques sans être trop fermes, ce qui permet de limiter les traumatismes au niveau des articulations et des pieds. Autrement, il n’y a pas de norme, car avoir un bon sol dépendra de la discipline que l’on pratiquera dessus. Par exemple, l’attelage nécessite un terrain très ferme, là où le reining a besoin de davantage de souplesse. En jumping, on cherche un sol dynamique sans être trop ferme pour ne pas être traumatisant pour les chevaux.” “Chez Fludy Sol, nous concevons essentiellement des pistes de saut d’obstacles et prônons auprès de nos clients la différence entre une carrière de concours et une carrière de travail. À la maison, il est préférable d’avoir une piste plus confortable. En termes de matériaux, le taux de fibre sera plus important. Nous fonctionnons de manière constante avec le même sable et la même fibre, que nous allons simplement doser autrement afin d’obtenir des propriétés différentes. Plus il y aura de fibre, plus le sol sera porteur et résistera dans le temps. On en mettra donc beaucoup sur un terrain de concours, par exemple, qui encaisse des périodes de grosse fréquentation à un instant T. Pour une carrière de travail, nous en utiliserons peu : une couche de sable de vingt centimètres et un dosage d’eau qui dépendra des souhaits du client. Même s’il est possible de moduler les sols à l’aide d’engins, cette technique a ses limites, car des pistes de travail et de concours ont des besoins propres ; de notre côté, nous travaillons avec un procédé unique en France et en Europe, à l’aide d’un drain plat qui ne mesure que quatre centimètres d’épaisseur mais dix-sept de large. Cette technique est très performante”, explique Pierre Fluzat, fondateur de Fludy Sol.

L’innovation technique est également de mise vis-à-vis de la gestion de l’eau, problématique ô combien d’actualité et qui risque de s’amplifier avec les effets du dérèglement climatique. La grande majorité des aires de travail sont faites en sable, et ce dernier a besoin d’une certaine quantité d’eau pour jouer son rôle de cohésion tout en limitant la poussière. Le taux d’humidité présent dans le sable permet ainsi de s’adapter à son usage, la texture du sol dépendant de l’interaction entre le sable et l’eau. “Pour les sols de travail, l’idée est plutôt d’être sur une surface homogène pour aller dans le sens de la recherche de performance. Nos dalles de stabilisation peuvent d’ailleurs être utilisées pour des aires d’évolution. C’est ainsi le cas de notre dalle à rétention d’eau qui stocke la pluie afin d’alimenter le sable lorsqu’il fait plus sec. Cela permet d’économiser les ressources ! Nous proposons une autre solution de subirrigation grâce à la dalle Hydroground qui possède un système de goutte-à-goutte intégré. L’arrosage se fait par en-dessous, ce qui induit une économie d’eau et permet de monter à cheval pendant que le sol est arrosé”, développe Charlotte Dumas Pivoteau.



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“En saut d’obstacles, les chevaux de sport ont tendance à préférer des sols bien adhérents, notamment en raison des virages rapides”, ajoute le docteur Thomas Launois, qui fait parler son expertise multidisciplinaire. “En dressage, par exemple, ils auront besoin d’un peu plus de glisse, car les allures sont moins rapides mais demandent des appuis stables, tout en limitant les contraintes ligamentaires. En effet, un sol dur permet beaucoup plus d’adhérence et va davantage faire travailler les ligaments. Avec un sol sayer de varier les terrains! Un cheval qui travaille toujours sur la même surface stimule toujours le même type de structure anatomique. Souvent, ce qui apparaît comme une blessure aiguë est en fait l’accumulation de contraintes répétées sur les ligaments, les articulations et les os. Alterner les sols peut donc être bénéfique. Aussi, si un cavalier travaille tout l’hiver sur un sol fibré et qu’il prévoit de concourir dans une tournée du sud de la France, par exemple, on peut lui conseiller de monter sur la même surface que celle du concours deux fois par semaine, et au moins pendant un mois et demi afin que les muscles et les os de sa monture s’y adaptent. On peut aussi s’entraîner à l’extérieur, ce qui est également un moyen de limiter le stress, ou disputer des concours d’entraînement, car toutes les écuries n’ont pas le même terrain. Ce concept de faire travailler les équidés sur des sols différents, même synthétiques, est très nouveau. La plupart des cavaliers sont persuadés qu’en travaillant toujours leurs chevaux sur la même carrière ils ne se blesseront pas, ce qui n’est pas complètement vrai.”